À l’âge où beaucoup de jeunes femmes ont quitté le nid familial pour fonder leur propre foyer, certaines Gazelles n’ont pas encore pris leur envol et vivent toujours chez leurs parents. Une situation choisie ou subie qui provoque souvent l’interrogation de l’entourage. Témoignages.
En l’espace d’une génération, l’âge de départ du foyer familial a beaucoup reculé. Un peu à la manière de Tanguy dans le célèbre film éponyme, certains jeunes adultes ont un peu plus de mal à entrer dans la vie active et à quitter le nid. Alors que leurs amies vivent une vie à deux depuis quelque temps déjà et fondent même parfois une famille, certaines peinent, quant à elles, à trouver leur âme sœur.
UNE SEULE ISSUE : LE MARIAGE
Dans de nombreuses familles, il est inenvisageable de quitter le domicile parental sans être mariée. C’est ce que vit Selma, qui est consciente de cette règle et l’accepte sans problème. « Je comprends que mes parents ne me laissent pas prendre un appartement seule et ça ne me dérange pas. Ils me disent tout le temps : “Tu n’as qu’une seule issue, c’est le mariage.” Ça les fait rire et c’est presque devenu leur slogan.
Le problème, c’est qu’ils vont devoir me supporter jusqu’à ce que je trouve un mari et ce n’est pas gagné. En attendant, je fais ma petite vie. J’ai un travail que j’aime beaucoup, des amies géniales et j’apprécie la vie avec mes parents et mes frères et sœurs. En fait, je crois finalement que ce sont eux qui veulent que je parte et pas le contraire. Moi, je suis bien ici, j’ai moins de responsabilités, on s’occupe de moi et en plus je fais des économies pour le loyer ! Je plaisante bien sûr mais c’est vrai que quand j’habiterai seule, il n’y aura personne pour me préparer de bons petits plats, je devrais le faire moi-même en sortant du boulot. » Hayet, en revanche, a beaucoup plus de mal à accepter cette « prise d’otage » et a essayé plusieurs fois d’expliquer à ses parents son envie de partir – sans succès. « J’ai 31 ans, je n’en peux plus de vivre sous le toit et l’autorité de mes parents. C’est insupportable de devoir rendre des comptes tout le temps et sur tous les sujets. Les sorties sont réglementées bien sûr, mais je dois aussi me soumettre au planning de ménage de ma mère, cuisiner des repas que je n’ai envie ni de préparer ni de manger, faire une vaisselle de fête tous les week-ends quand mes frères et sœurs débarquent. J’évite aussi de recevoir des copines à la maison parce que ce n’est pas très agréable de rester enfermées dans ma chambre. J’ai voulu prendre mon appartement mais mes parents ont refusé catégoriquement. J’ai eu beau leur présenter tous les arguments, leur proposer de vivre juste à côté de chez eux, ils ne veulent pas. En gros, c’est le mariage ou rien. »
LA PEUR DE L’ÉCHEC
Sauf que le mariage, pour Hayet, c’est un engagement important et la jeune femme peine à trouver celui avec qui elle pourrait partager sa vie. À chaque rupture, elle se rend compte de la difficulté à trouver celui avec qui elle pourra passer des années car, s’il y a bien une chose qui lui fait plus peur que le célibat et la vie avec ses parents, c’est le divorce. « Si j’ai déjà du mal à entretenir une relation alors qu’on ne vit pas sous le même toit, je ne veux pas imaginer comment ce sera le jour où je vais vivre avec un mec. Mes relations durent généralement deux ou trois ans mais le mariage, c’est pour la vie, et c’est ce qui me fait peur. Je ne veux pas faire le mauvais choix et devoir me séparer. Je préfère prendre le temps pour trouver le bon et me trouver moi-même. Tout compte fait, il faut aussi être prête pour vivre avec quelqu’un d’autre, et peut-être que je ne le suis pas. » Sabrina, 32 ans, a aussi du mal à sauter le pas, par peur de l’échec. Très souvent, les hommes l’ont déçue et n’ont pas été à la hauteur. De ce fait, il est difficile pour elle d’accorder sa confiance au point de se faire passer la bague au doigt.
« Je suis sortie avec des hommes qui m’ont trompée, menti, volée… Comment pourrais-je mettre tout ça de côté et me dire que le prochain sera différent ? Il faudra qu’il soit vraiment très convaincant pour que je le laisse me mettre la bague au doigt. » De son côté, Selma aussi a dû faire face à la réalité et elle était bien différente de ce qu’elle avait imaginé. « Je me suis toujours dit que je me marierais jeune, je pensais qu’à 23 ans je serais déjà “Madame”. Avec mes copines, on en riait, on se disait que si, à 25 ans, on n’était toujours pas mariées, on abandonnerait certains critères. Mais les 25 ans sont arrivés trop vite. » Selma parle de sa situation avec beaucoup d’humour. Du haut de ses 29 ans, elle sait très bien ce qu’elle veut, contrairement à ce que pensent ses parents. « Je ne veux pas me marier juste pour me marier. J’ai fait le choix de me préserver donc je veux avoir un beau mariage avec un homme parfait – ou presque ! Je veux trouver le grand amour et je ne veux pas reculer sur mes critères. Tant pis si ça prend du temps et tant pis si mes parents ne me comprennent pas. »
LE REGARD DES AUTRES
Cependant, cette vie « cool » menée par Selma a un prix, et il est élevé. D’abord, cela peut dégrader la relation avec ses parents, mise à rude épreuve par cette cohabitation forcée. Et puis, il faut supporter les critiques et les remarques des proches – et moins proches – qui peuvent être assez sévères. C’est d’ailleurs bien souvent ce qui ressort lorsqu’il s’agit d’aborder les inconvénients de cette situation. « Le plus compliqué, c’est la pression de l’entourage. Quand on avance en âge, qu’on est toujours célibataire et chez ses parents, tout le monde se permet de faire son petit commentaire. Vraiment tout le monde. » Comme Hayet, Selma reçoit régulièrement des conseils dont elle auraient bien voulu se passer. Des plus « gentils » qui lui conseillent avec délicatesse de prendre son envol aux plus « mesquins » qui se moquent, en passant par ceux qui s’interrogent simplement, elle se doit d’avoir les nerfs solides pour garder son calme. « Généralement, je rigole pour éviter de me lancer dans un débat, mais j’avoue que ça me fatigue. Le pire, c’est que je sais que si je me marie, les gens vont me prendre la tête pour que j’aie un enfant, puis un deuxième, puis encore un pour avoir le garçon (ou la fille). Après, si j’en veux un quatrième, ils viendront me dire que c’est trop… Bref, les gens ont toujours quelque chose de négatif à dire, donc j’essaie de ne pas me prendre la tête avec ça. »