Parce qu’elles ont été victimes de magie noire, leur vie a basculé du jour au lendemain. Ces gazelles nous racontent ce qui a, sûrement été, le combat de leur vie.
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« C’est comme si mon corps n’était plus à moi »
Il y a des années, j’ai commencé à avoir des crises. J’ai pensé à des crises de nerfs parce que j’avais beaucoup de disputes avec mon mari à l’époque, on traversait une période difficile et, à mes yeux, il n’y avait pas de doute que ça venait de là. Mon mari, lui, a tout de suite envisagé la sorcellerie. Je me suis totalement braquée quand il a commencé à m’en parler, ça ne me plaisait pas du tout qu’il puisse mettre tous nos problèmes sur le compte d’un élément extérieur et donc s’enlever toute responsabilité. Il a insisté et il a fait venir un imam un peu contre ma volonté. À chaque fois qu’il venait, je faisais mes fameuses crises pendant ses récitations. C’est inexplicable, c’est comme si mon corps n’était plus à moi, je me débattais comme un poisson hors de l’eau, je serrais les dents et les poings, parfois j’avais les mains qui se tordaient. J’ai fait énormément de séances, que j’ai complétées avec de la hijama (médecine par les ventouses) mais, au fond de moi, je n’avais toujours pas envie de suivre ce « traitement ». Mon mari, lui, a justifié tous nos problèmes par cette sorcellerie, ça lui a donné une porte de sortie pour ne pas en parler et ne pas les régler. Quand j’ai fini les séances, j’avais un « traitement » à poursuivre avec des lectures, des récitations, de l’eau à boire sur laquelle il y avait la roqya… Je ne suis jamais allée au bout. Aujourd’hui, je ne sais pas du tout si j’ai encore de la sorcellerie, mais c’est vrai que j’ai assisté à des roqyas de plusieurs personnes et, à chaque fois, je réagis avec les poings serrés et tout mon corps se crispe. Avec mon mari, c’est toujours la crise, on n’arrive pas à en sortir. Je me dis parfois que je devrais reprendre la roqya mais je remets toujours au lendemain. Louisa, 57 ans
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« J’ai perdu le contrôle de moi-même »
Quand j’avais 15 ans, il y a eu un gros problème dans ma famille. Tout le monde s’en est mêlé, mes oncles, mes tantes, mes cousins… J’ai très peu de souvenirs de ce qui s’est passé à cette période mais on me raconte que j’ai complètement pété les plombs. Moi qui étais une personne extrêmement calme et discrète, j’ai totalement changé du jour au lendemain. J’ai commencé par enlever mon voile alors que j’y étais très attachée. Et, moi que personne ne connaissait au lycée tant j’étais réservée, je me suis mise à faire le spectacle en permanence. Je criais, je blaguais avec tout le monde, on m’entendait rire dans tout le lycée. Je suis devenue le clown de service. J’ai changé mes fréquentations aussi, je me suis mise à éviter mes anciennes copines qui essayaient de me calmer et de me ramener sur le droit chemin et je me suis entourée de personnes qui m’encourageaient dans mon nouveau comportement. Mes parents étaient déjà débordés par les problèmes qu’ils avaient et ils ont mis du temps à se rendre compte de l’ampleur du problème et à me prendre en main. Au bout de quelques roqyas, j’ai retrouvé la raison mais j’avais complètement oublié la période que je venais de traverser. Quand je suis retournée au lycée, mes copines ont commencé à me raconter, j’étais choquée et très mal à l’aise à l’idée de ce que j’avais fait. Des gens que je ne reconnaissais plus venaient me dire bonjour et ne comprenaient pas ma distance avec eux, alors que je ne me souvenais tout simplement plus d’eux. Malheureusement, alors que mes parents étaient toujours noyés dans leurs problèmes et que ma tête ne s’était pas complètement remise sur mes épaules, j’ai fait une rechute. Les gens devaient penser que j’étais bipolaire tant je changeais de comportement du jour au lendemain. J’ai fait plusieurs rechutes avant d’enfin comprendre qu’il fallait que je me prenne vraiment en main. J’ai décidé de reprendre la roqya sérieusement jusqu’à guérir complètement. Ça a été très long et difficile mais al hamdoulilah, aujourd’hui tout est rentré dans l’ordre. C’est une épreuve que je ne souhaite à personne, il n’y a rien de plus terrible que de perdre le contrôle de sa propre personne. Je n’en tire que le positif, tout ça m’a encore plus rapprochée d’Allah et je multiplie les invocations pour me protéger et protéger mon entourage de ce genre de mal. Johanna, 33 ans
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« On croit que ça n’arrive qu’aux autres »
J’ai découvert que j’étais victime de sorcellerie après plusieurs années à stagner dans tous les domaines de ma vie. J’ai arrêté mes études après ma licence sans trop savoir pourquoi alors que j’avais toujours voulu décrocher un master. Malgré ma licence et les centaines de CV envoyés, je n’ai jamais trouvé de travail sérieux, seulement des petits boulots de quelques semaines. Dans ma vie personnelle aussi, ça n’allait pas fort, je m’isolais beaucoup et j’ai progressivement coupé les ponts avec plusieurs de mes amies très proches. La cerise sur le gâteau, c’est que j’approchais de la trentaine et je n’étais pas du tout sur le chemin du mariage. C’est ce qui a mis la puce à l’oreille de ma mère qui ne comprenait pas que je ne sois pas encore mariée et qui n’arrêtait pas de me dire d’aller voir un imam pour une roqya. Je lui disais oui mais je ne faisais aucune démarche. À force de me faire harceler par ma mère à ce sujet, j’ai fini par contacter un imam, je me disais qu’au moins mes parents me laisseraient tranquille et arrêteraient de me mettre la pression. Après des semaines d’empêchements et de galères, l’imam est enfin venu. Quand il a commencé les récitations, j’ai très mal réagi, j’ai commencé à trembler et à ne plus du tout maîtriser mon corps. Les souvenirs que j’en ai ne sont pas très nets ; je m’en suis remise à ce que mes parents m’ont raconté. Apparemment, je me suis mise à parler avec une voix qui n’était pas la mienne, j’ai tenu tête à l’imam et je lui ai même, parfois, manqué de respect. À la fin de la séance, il nous a expliqué que j’avais probablement de la sorcellerie et un djinn. J’ai revu l’imam plusieurs fois. Les séances sont très intenses et m’épuisent à chaque fois. À côté de ça, il me donne des lectures et des récitations, et cela est très difficile pour moi. Heureusement, ma mère est derrière moi, sinon je ne sais pas si je tiendrais le coup. Jusqu’à maintenant, je n’ai toujours pas réussi à me débarrasser de cette sorcellerie et je continue de voir l’imam. Jamais je n’aurais pensé que je puisse être victime de ça, on croit que ça n’arrive qu’aux autres mais ce n’est pas vrai. Heureusement que mes parents m’ont poussée à aller voir un imam… Maintenant, je sens que ça va un peu mieux dans ma vie, j’ai repris mes études et je travaille à côté. J’ai aussi renoué les liens avec certaines de mes amies que j’avais négligées et qui avaient fini par couper les ponts avec moi. Côté cœur, ce n’est toujours pas ça mais j’ai l’espoir que ça finisse par arriver. Dalia, 30 ans