Certaines personnes ne savent pas parler arabe. Lorsqu’elles étaient enfants, leurs parents n’ont pas jugé utile de leur inculquer leur langue natale. Aujourd’hui, elles le regrettent et souhaiteraient apprendre afin de se sentir appartenir à leur pays d’origine.
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S’il est assez courant de parler la langue natale de ses parents, certaines personnes, n’ont jamais appris ou oublié. Leurs parents n’ont parfois pas trouvé nécessaire de discuter autrement qu’en français avec elles. Les raisons de cette décision sont diverses. Bien des parents ont privilégié la voie de l’intégration et ont pensé qu’il serait inutile d’encombrer l’esprit de leur enfant avec l’arabe, ou le berbère. Souvent, ils se sont dit que ces langues ne serviraient peut-être pas, plus tard, dans la vie professionnelle de leurs chers petits. Et pourtant, une fois adultes beaucoup regrettent même de ne pas comprendre. Frustrés, ils en arrivent, parfois à en vouloir à leurs parents et ont l’impression de ne pas appartenir entièrement à l’origine de leurs ancêtres.
Saïda a 32 ans, maman d’un petit garçon de 6 ans : « J’ai grandi avec un grand complexe »
« Ma maman est française et mon père était tunisien. J’ai grandi avec un grand complexe qui me suit encore aujourd’hui. J’ai un prénom arabe je suis musulmane née en France, mais je ne parle pas l’arabe. La question c’est pourquoi ? Suis-je donc légitime de dire que j’ai des origines tunisiennes? Des questions auxquelles, aujourd’hui je n’ai toujours pas de réponse. Ne pas parler ma langue paternelle est un grand frein pour créer un lien avec ma famille paternelle. On ne peut pas se comprendre on na pas de lien aussi fort. Nous nous regardons comme des bêtes curieuses. Beaucoup considèrent que si je ne parle pas l’arabe c’est parce que je renie mes origines et que je suis française. Lorsque j’essaye d’apprendre par moi-même en commençant par des mots, les gens se moquent de moi car je n’ai pas l’accent. C’est une blessure qui ne se referme pas. Je suis fière de mes origines. Pour moi c’est une grande richesse. Et je suis le fruit d’un amour qui n a pas de frontière, d’un couple, d’un homme et d’une femme qui n ont rien en commun mais leurs différences les ont réunies. Aujourd’hui, c’est doublement important car je suis maman et je fais tout pour que mon fils ne sente pas le sentiment de rejet. Je ne veux pas qu’il ait en permanence à se justifier de ne pas connaître l’arabe. Je lui apprends les quelques mots que je connais. Je compte aussi sur mon conjoint pour lui apprendre. Je fais tout pour que mon fils ait cette chance que moi je n’ai pas eu. Nos parents nous donnent en héritage leur histoire, leur pays, leur coutume, leurs valeurs, c’est aussi à notre tour de transmettre tout cela.
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Asma, 33 ans: « J’ai vite oublié ma langue natale »
« Je suis née en Algérie et suis arrivée en France à l’âge de trois ans, mais j’ai oublié ma langue natale. Ce phénomène s’appelle l’attrition linguistique. Il définit les personnes qui ont perdu tout ou une partie de leur bilinguisme à force de ne pratiquer qu’une seule langue. Ma mère a divorcé de mon père et est revenue vivre en France où elle est née. Pour elle, il était donc plus naturel de nous parler en français à ma sœur et moi. Peu à peu nous n’entendions plus que le français à la maison, à l’école… Nous avons finalement oublié notre langue maternelle. Nous n’allions que très rarement en Algérie, du coup, nous n’avons pas eu l’occasion de pratiquer la langue. Cependant, lorsque nous y allions les gens demandaient à ma mère pourquoi nous ne savions pas parler en arabe. Ma mère leur disait tout simplement qu’un jour nous apprendrions et qu’elle ne souhaitait pas nous perturber davantage. Qu’elle préférait que nous nous focalisions sur une seule langue et nos études. Au départ, je n’ai pas trop souffert de ne plus savoir parler, mais arrivée au collège, les enfants ont commencé à se moquer de moi. Ils m’accusaient de vouloir trop « faire ma française », de ne faire semblant de ne pas comprendre, de ne pas parler, d’avoir un accent trop français lorsque je disais hamdoullah, par exemple… Tout cela m’a fait prendre conscience, une fois adulteque je devais renouer avec ma langue natale. Je savais que ceserait une richesse pour moi. J’ai donc demandé à ma mère de parler avec moi en arabe. J’ai beaucoup de mal à apprendre mais tant pis, je dois faire ce sacrifice. Je ne veux pas que mes enfants me demandent un jour : « maman pourquoi tu ne sais pas parler l’arabe » ? Je pense que je ne supporterai pas cette question », confie la jeune femme.
Sofia, 38 ans : «petite, j’avais honte de parler arabe »
« Je suis marocaine d’origine. Petite j’étais complexée de parler arabe. Lorsque sa maman venait la chercher à l’école par exemple, elle lui demandait de l’attendre un peu plus loin afin que les autres enfants ne la voient pas. « Ma mère ne savait pas parler du tout le français. Elle était voilée et portaient souvent des djebas ou des tenues traditionnelles très voyantes, colorées… J’essayais de lui faire changer de tenue mais elle y était très attachée. Pour le langage, je lui répondais toujours en français, je comprenais le berbère mais je n’ai jamais appris. J’avais peur en permanence que les enfants se moquent de moi, car je les voyais faire avec d’autres enfants issus des minorités. Aujourd’hui, c’est le contraire, je ne sais pas parler et j’en ai honte. Je sais dire juste quelques mots qui me permettent de communiquer un peu avec ma grand-mère mais sinon, je suis la risée de la famille. J’évite toujours la fameuse question est-ce que tu sais parler la langue. Lorsque quelqu’un me parle marocain ou en berbère, je suis gênée de lui dire que je ne sais pas parler. Les gens sont étonnés et me disent ah bon mais pourtant tes parents ne parlent que leur langue natale à la maison. J’ai l’impression de ne pas honorer mes racines, j’ai été bête de me focaliser uniquement sur les qu’en dira-t-on. J’aurai dû apprendre quand il était encore temps. Il faut du temps pour maîtriser la langue, ne plus avoir d’accent, bien prononcer les mots, les utiliser à bon escient… Je suis mariée avec un marocain qui lui sait parler l’arabe. Il a appris à nos enfants la langue et les a même inscrits aux cours juste à côté de chez nous afin qu’il sache aussi écrier car l’arabe est selon lui une langue d’avenir professionnelle. Je ne m’y oppose pas, je le laisse faire ».
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