VIVRE ENSEMBLE ET TRAVAILLER ENSEMBLE, C’EST UNE ÉQUATION QUE BEAUCOUP D’ENTRE NOUS CONNAISSENT… POUR LE MEILLEUR ET POUR LE PIRE !
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Pour plaisanter, je dis souvent à mes amies que si je divorce, je n’ai plus de travail ! » sourit Marwa, employée par son « mari-patron ». En réalité, ils ont monté leur boîte de traduction ensemble, mais pour des raisons de comptabilité et de sécurité (chômage), ils ont choisi que l’un d’eux serait l’employé de l’autre… « Ça aurait pu être moi la patronne, raconte encore Marwa. Mais il m’a semblé qu’il tenait davantage à cette position sociale malgré tout, alors je lui ai cédé la place ! C’était aussi plus raisonnable en cas de congé maternité. » Marwa et son mari Mounir se voient donc 24 h sur 24. Au début, ils travaillaient de chez eux, n’ayant pas assez d’argent pour avoir un bureau à l’extérieur. « C’était rocambolesque, se souvient Marwa. Surtout avec la naissance de notre premier, je me demande comment on a tenu ! Quand il pleurait et qu’il y avait un coup de fil professionnel, il fallait vite que l’un de nous aille se planquer avec lui dans la salle de bain au bout du couloir. Le plus drôle, c’est que parfois, celui qui était au téléphone oubliait de venir libérer l’autre, surtout en cas de demande de traduction urgente ! » En même temps, c’est aussi ce projet de vie commun qui les a fait tenir, se souvient-elle également. Le soir, après avoir couché bébé, ils parlaient boulot en étant sur la même longueur d’onde et avec une infinie solidarité, avant de regarder un film tranquillement. « Ça nécessite une grande organisation, ajoute-t-elle. Il fallait enlever les traces de l’ambiance de travail pour profiter de la soirée, ranger tous les papiers dans un placard et reprendre possession de notre domicile. » Deux ans plus tard, ils ont eu un bureau dans leur rue : « Ça nous a quand même permis de souffler un peu, car ce n’est pas facile de rester l’un sur l’autre au même endroit tout le temps ! Au moins, je pouvais me prendre un après-midi chez moi pour me faire des soins sans le croiser avec mon masque vert à la sortie de la douche ! Ou téléphoner à des copines sans qu’il entende tout. Et lui, il pouvait aller travailler un peu le soir quand il en avait envie. Sortir un peu du couple, c’est important quand on se fait confiance ! » Sortir du couple, oui… Mais pas au point de ne plus faire attention à l’autre, car c’est l’un des dangers ! « A force de travailler ensemble au restaurant, lui en cuisine, moi à l’accueil, et avec la pression, on se voyait sans se voir, raconte Emna. Je me sentais délaissée, il disait qu’on travaillait pour notre avenir ensemble, j’avais fini par ne plus du tout faire attention à mon apparence. Puis, un jour, il m’a dit » Regarde tes ongles, je ne veux pas de ça ! « , j’avais toujours le vernis écaillé et je pensais qu’il ne le remarquait même pas. Je me suis reprise en main, toujours nickel, et ça a repris entre nous. » Marwa insiste : « Quand on travaille ensemble, il ne faut pas se laisser aller, au contraire ! On s’habillait des pieds à la tête pour commencer nos journées de boulot, même quand on travaillait de chez nous ! »
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AMOUR, GLOIRE ET CAFÉS…
Pour que le double-couple (à la vie, au travail) fonctionne, le professionnalisme doit vraiment être de mise ! « J’ai rencontré mon merveilleux mari au lycée, témoigne Joudia. Effectivement, nous sommes tous les deux enseignants dans le même établissement en banlieue parisienne. Moi je suis une économiste et lui un biotechnicien mais nous avons des classes en commun… En général, nos avis concordent lorsqu’il s’agit des élèves mais parfois nous ne sommes pas d’accord lors des conseils de classe par exemple. Nous agissons comme deux véritables collègues au sein du lycée et nous émettons notre avis, donnons nos arguments lors des réunions. Même si nous ne sommes pas sur la même longueur d’ondes, nous allons chacun jusqu’au bout ! Au boulot nous avons notre propre identité, nous sommes considérés et nous nous considérons comme deux collègues… La seule différence c’est que nous rentrons ensemble et au même endroit tous les soirs depuis sept ans. » Même avis pour Hind, chef d’entreprise : « Cela fait dix ans que je travaille avec mon mari. Ayant créé ma société, il a voulu prendre part à l’aventure en s’occupant de la partie commerciale. Aujourd’hui, on est associés. On nous demande souvent si ce n’est pas trop dur de travailler ensemble. Franchement, non. Ça nous fait encore un point en commun. On travaille pour la même cause. Et puis, je le trouve très efficace dans son métier, il le connaît sur le bout des doigts et je lui fais confiance, je n’ai donc rien à lui reprocher. Si je trouvais qu’il travaillait mal, je pense que ce serait différent. Même si on travaille ensemble, on travaille dans des bureaux séparés. La journée, je le vois comme un collaborateur et c’est ce que nous montrons comme image aux yeux de tous. » Pourtant, Joudia choisit de vivre aussi son amour en plein jour et affirme que pour tout le lycée, élèves et professeurs, ils sont les « Brad et Angelina du cinéma ». Hind explique au contraire que jamais un employé ne les verra se faire une tendresse… Le soir, Joudia parle de l’aventure professorale avec son mari, tandis que le couple de Hind s’est imposé comme règle de ne jamais parler travail en rentrant. Alors que leur travail en tant qu’entrepreneurs est plus risqué… « Si nous faisons faillite, nous perdons notre travail tous les deux », expliquet-elle en hochant la tête. « Alors pas d’autres choix que de travailler deux fois plus. » Dans tous les cas, les tensions du jour se règlent autour d’un bon dîner à deux !
NO ZOB IN JOB ?
Jusqu’à il y a quelques années, avant d’être dépassées par les rencontres en ligne, 30 % des rencontres amoureuses aboutissant à la mise en couple se faisaient sur le lieu de travail. Les explications sont souvent assez simples : au travail on est apprêtés (« Le pyjama et les cheveux sales sont réservés à la maison » ironise à ce propos le psychologue Loïck Roche, auteur de Cupidon au travail), on prend le temps de se connaître, on a parfois les mêmes diplômes et centres d’intérêt, les ouvertures au dialogue sont nombreuses, parfois déjeuners, les fêtes, les pots, les séminaires… A cela s’ajoute le goût de la transgression. Exactement comme au lycée quand on est amoureux dans la même classe et qu’on rosit d’émoi à chacun des passages du, mettons, délégué de classe, que tout le monde le sait mais ne dit rien ! Depuis les lois Auroux de 1982, les salariés ont le droit de s’aimer sur leur lieu de travail, à condition que cela ne perturbe pas leur travail, ni même l’ambiance de travail (en cas de périodes de tension du couple, par exemple). C’est tout de même un exercice souvent périlleux, surtout que lorsque l’amour s’est rencontré au travail, la jalousie peut devenir l’envers de la médaille. C’est ainsi qu’Amine, informaticien, a rencontré sa femme, Anissa, dans la boîte où il a commencé. « Je suis tout de suite tombé fou d’elle, littéralement ! C’était un peu la star du groupe ! Je ne croyais pas du tout en mes chances, mais j’étais le seul a être triste le vendredi et rayonnant le lundi, à l’idée de la revoir ! » Tout aurait pu s’arrêter là, mais Anissa a aussi fondu pour lui. C’était aussi le seul Maghrébin de son environnement, il était beau, intelligent, elle avait plus de 30 ans alors pourquoi pas, se disait-elle… Ils ont fait plus ample connaissance à un séminaire où ils étaient les seuls à faire le Ramadan et ont rompu le jeûne ensemble, à part, plus tard que le groupe. Ce qui s’est transformé en dîner romantique, et puis, de fil en aiguille, tout est allé vite… Deux ans plus tard, Amine a gravi les échelons et Anissa est devenue très jalouse de toutes les collègues qui l’approchaient, elle fouillait même le profil Facebook des candidates qu’il devait recruter pour voir si elles étaient « sérieuses » dans leur vie privée. « C’est devenu un cauchemar », raconte aujourd’hui Amine, qui a divorcé. Quand on lui demande de réagir à cette phrase d’Alain Samson, auteur du livre Sexe et flirt au bureau, qui dit que « le milieu du travail est tout simplement aphrodisiaque », il semble tout à fait d’accord : « Bien sûr que le monde du travail fonctionne avec de la séduction à tous les niveaux, on fait des sourires appuyés, on tape sur une épaule, on fait un compliment… Il faut l’accepter comme tel ! » Certes, on peut se dire aussi, tout dépend de quel travail on parle ! Est-ce que lorsqu’on travaille avec son mari dans une poissonnerie on vit cette réalité-là ? Eh bien oui, nous disent les sociologues. Parce que l’amour et le désir, c’est l’élan vital qui surgit pour nous éblouir, même au milieu des plus grandes difficultés. Et parce que l’amour… Ça se travaille !
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