Port du masque, distanciation sociale, anxiété, le COVID n’a pas seulement changé notre façon de travailler ou de nous réunir en famille. Célibataires ou en couple, de nombreuses jeunes femmes doivent désormais repenser leur vision de l’amour face à l’existence du virus.
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Pendant le confinement, la jolie histoire avait fait le buzz. Un jeune New-Yorkais, Jeremy, tombait sous le charme de sa voisine avant de communiquer avec elle grâce à un drone et de la rencontrer dans une bulle en plastique. Si les images qu’il avait partagées de leur love story semblaient fantasques, elles recelaient une part de vérité : les rapports amoureux ne sont plus tout à fait les mêmes depuis la présence du coronavirus. Et cela commence dès la rencontre. Même déconfinés, on sort moins et on croise moins de monde. La peur d’une contamination pousse également beaucoup de personnes à privilégier les sites de rencontre plutôt que les rencontres réelles. En mars dernier, Tinder battait ainsi des records en enregistrant 3 milliards de « swipes » quotidiens, soit le plus grand nombre d’interactions depuis son lancement en 2012.
SALE TEMPS POUR LES CÉLIBS ?
On discute aussi plus longtemps en ligne avant de se rencontrer. Leïla, assistante en communication de 28 ans, est dans ce cas. Elle a multiplié les longues conversations sur
Mektoube.fr, en repoussant le moment du rendez-vous IRL (« In Real Life » ou « Dans la vraie vie »). « J’ai un peu peur de me retrouver face à un inconnu pour boire un café, même en extérieur. Je ne peux pas savoir à l’avance s’il est porteur du virus ou pas. Alors, avant de prendre un risque, je fais durer les échanges par mails. La période permet en plus d’aborder des sujets plus profonds. Je préfère aussi les dates par vidéo ou par téléphone. Il faut que je sois sûre que le mec me plaît un minimum avant de le rencontrer pour de vrai. » En mars dernier, une journaliste du magazine anglais The Guardian, Elle Hunt, se plaignait de cette nouvelle donne qui impacte d’abord ceux qui ne sont pas en couple. « Contrairement aux gens mariés, nous, les célibataires, devons toujours être en première ligne du combat pour l’amour. Nous sommes déjà exclus d’une bonne partie du marché immobilier et des offres “deux repas pour le prix d’un”. Désormais, nous sommes confrontés à un nouveau dilemme : risquer d’être infecté en allant à un rendez-vous galant ou rester seul pour toujours. » Mais d’autres y voient l’occasion de saisir la chance de transformer leurs habitudes.
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REBATTRE LES CARTES
Judith Duportail, auteure du livre L’Amour sous algorithme, résume ainsi cette ère du slow dating dans un tweet : « On va être obligé·e de prendre son temps ! Plus question de se rencontrer au bout de deux messages, de s’emballer à la fin du premier verre et de juger si l’autre mérite une vraie place dans notre vie en quelques heures. Ce qui peut nous pousser à enfin pouvoir faire quelque chose qui manque cruellement dans le dating : apprendre à connaître les gens, doucement, tranquillement, avant de les foutre dans une case. » Pour Dora Moutot, fondatrice du compte Instagram T’as joui ? Cette période serait même propice à repartir sur de nouvelles bases dans le jeu de l’amour. « Je trouve globalement que les gens ne sont pas assez procéduriers dans le fait de demander un check-up à leur nouveau partenaire ou amoureux. Ça va donner un bon prétexte pour exiger un check-up médical complet, qui comprend à la fois le test du coronavirus et les MST. Ça fait aussi partie du consentement. » Mais les célibataires ne sont pas les seuls pour qui les relations amoureuses changent. Beaucoup de couples n’ont pas bien vécu le confinement et se disputent désormais à propos du (non)-port du masque ou du (non)-respect des gestes barrières. Des milliers de duos binationaux n’ont pas pu se retrouver depuis la fermeture des frontières. Ceux qui avaient décidé de se marier cette année ont aussi été contraints de repousser la date, refroidis par les obligations de distanciation sociale. Nora, cadre de 45 ans dans le secteur de la santé, qui a retrouvé l’amour après un divorce compliqué, a ainsi dû repousser son union, prévue depuis plus d’un an. « Nous devions être plus de 100 personnes au mariage. Je ne me voyais pas réduire le nombre d’invités, rester loin les uns des autres, danser avec le masque. Il faut que tout soit parfait, dans les moindres détails. »
L’AMOUR PLUS FORT QUE LA PEUR ?
D’autres, au contraire, se sont rapprochés pour faire face à l’adversité. Fouzia, vendeuse en prêt-à-porter de 32 ans, raconte avoir rapidement emménagé chez son ami. « Ça faisait à peine quelques semaines qu’on sortait ensemble, mais à l’annonce du confinement, on a décidé de le passer ensemble. Vivre chacun de notre côté aurait sans doute conduit à une rupture. Depuis, on est toujours en couple et plus soudés, je pense, que si on s’était rencontrés dans des circonstances plus légères. » Reste à savoir s’il y aura un avant et un après-COVID. Nos façons d’aimer serontelles bouleversées à jamais ? Audrey Gagnaire, auteure du livre Tej par texto – l’art de la rupture 2.0, explique : « Il y a effectivement certains réflexes qui se sont installés et une appréhension au rapprochement avec toute la question de la distanciation sociale. On aime un peu moins légèrement qu’avant, on se pose davantage de questions, on est un peu plus crispés, inquiets. Et puis, le port du masque change aussi beaucoup les interactions entre les individus. Les expressions faciales sont camouflées une grande partie de la journée, les trois quarts du visage disparaissent et cela peut bouleverser les habitudes de communication. Si l’on met bout à bout ces différents changements, on comprend quelles peuvent être les causes de cette perte d’insouciance. Mais je ne pense pas que le virus ait influé “en profondeur” sur l’amour. En ce qui concerne les façons d’aimer, je pense qu’elles sont bien ancrées… et l’amour surpasse tout, non ? »
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