Les RDV de la philosophie organisés et animés par Jean-Baptiste Brenet, médiéviste et professeur de philosophie arabe à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, se
poursuivent et sont consacrés aux grandes figures de la pensée arabe.
• Maïmonide : Faut-il choisir entre la religion et la science ?
David Lemler | Mardi 9 janvier 2024
Notre modernité nous a habitués à opposer le savoir et la
croyance : nous ne pouvons croire qu’à ce que nous ne
pouvons connaître. Or telle n’est pas la façon de penser des
auteurs médiévaux pour qui les objets que nous reléguons
au domaine de la croyance religieuse (tels que Dieu, les
anges, la création du monde ou la révélation) sont les objets
les plus éminents de la science. C’est pourtant à résoudre
une contradiction apparente entre Loi divine et savoir
scientifique que Maïmonide s’engage au XIIe siècle dans son
Guide des perplexes. Quel remède a-t-il à offrir aux perplexités
de notre temps ?
David Lemler est maître de conférences à l’UFR d’études
arabes et hébraïques de Sorbonne Université et spécialiste de
la philosophie juive médiévale. Il est notamment l’auteur de
Création du monde et limites du langage. Sur l’art d’écrire
des philosophes juifs médiévaux (Vrin, 2020).
• Hallâj : Dans la mystique, qui parle – et à qui ?
Pierre Lory | Mardi 6 février 2024
Les ouvrages de soufis expliquent que le cheminement
mystique aboutit à l’extinction en Dieu (fanâ’). Mais dès
lors, quand le soufi accompli s’exprime, qui parle en lui,
par lui ? Hallâj (m. en 922) a osé évoquer publiquement la
question : pour lui, le mystique transmet effectivement une
parole transcendante. Le verbe divin et le discours humain
se rejoignent de quelque manière en lui. Il s’agira ici de
comprendre ce que Hallâj a voulu signifier, en quoi sa parole
a rencontré de l’opposition, et a mené à son procès.
Arabisant et islamologue, Pierre Lory est directeur d’études
émérite à l’EPHE, où il a enseigné la mystique musulmane
et les courants ésotériques en islam depuis 1991. Ses dernières
publications sont La dignité de l’homme face aux anges,
aux animaux et aux djinns (Albin Michel, 2018) et Oublie le
chemin, tu parviendras à Dieu (Cerf, 2023).
• Ibn Khaldûn : Une pensée pour notre temps
Gabriel Martinez-Gros | Mardi 5 mars 2024
La pensée d’Ibn Khaldoun a été reçue par l’Europe dans
la première moitié du XIXe siècle, au moment même où
la Révolution industrielle et les bouleversements qu’elle
apportait aux sociétés agraires millénaires la rendaient
caduque. On célébra un génie inouï, contemporain de
Froissart (XIVe siècle), mais qu’on pouvait comparer, parfois
à son avantage, à Machiavel ou Montesquieu. Cette pensée
n’avait cependant de pertinence que pour les mondes
anciens, ou encore étrangers à la modernité. Ibn Khaldoun
fut le modèle de pensée par excellence du monde colonial, dans l’Algérie française comme dans l’Inde britannique, pour Toynbee comme pour Braudel. Mais il n’avait pas de prise sur le monde moderne. C’est ce que les temps qui s’ouvrent pourraient démentir. S’il est vrai que notre modernité s’essouffle, ou s’épuise, la
pensée d’Ibn Khaldoun pourrait retrouver aujourd’hui toute la pertinence dont la révolution industrielle l’avait dépouillée. Gabriel Martinez-Gros, professeur émérite d’histoire médiévale à l’université de Nanterre. Spécialiste de l’histoire d’al-Andalus,
il a publié entre autres L’idéologie omeyyade (Madrid, Casa de Velazquez, 1992), Identité andalouse (Paris-Arles, Sinddab/ Actes Sud, 1997), Ibn Khaldûn et les sept vies de l’Islam (Paris, Sindbad/Actes Sud, 2006).