Mauvaises, certaines réputations ne sont pas évidentes à assumer notamment lorsqu’elle touche à un membre de la famille. Porter le poids des « on a dit » tout au long de son existence peut s’avérer être douloureux. Des Gazelles nous ont confié leur façon de lutter contre les préjugés et les rumeurs des uns et des autres.
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Comme un sillage, la réputation suit une personne sur le long terme et peut laisser des traces et des blessures indélébiles. Les informations qu’auront recueillies les uns et les autres avant de les colporter à qui veut les entendre, donnent souvent naissance à de mauvaises interprétations. Elles ne sont pas sans conséquence puisqu’elles ont des répercussions négatives sur l’existence de gens issus d’une même famille, par exemple. Fondée ou non sur des faits réels elle peut aussi nuire à l’image des différentes personnes qui composent une famille. Montrées du doigt les personnes qui en pâtissent peuvent profondément souffrir et perdre confiance en elles. Anissa a 37ans. La jeune femme a été confrontée très jeune à la mauvaise réputation. Celles-ci affectent lourdement son quotidien et ont même gâché une partie de son avenir, puisque selon elle, c’est ce facteur qui l’a empêché de fonder une famille jusqu’ici. La jeune femme a trois frères et une sœur « Ma sœur et moi avons quinze ans d’écart. J’avais 10ans et elle 25ans lorsqu’elle est tombée enceinte. Elle a eu une petite fille sans être mariée. Elle avait fait un déni de grossesse car elle avait subi des opérations et les médecins avaient dit qu’elles ne pourraient pas avoir d’enfants. Mon père a renié ma sœur et la mise dehors. Heureusement, son compagnon est resté avec elle… Mon papa s’en est pris à ma mère il voulait partir vivre au bled. Nous avons tous affreusement soufferts. Pour ma part dès 10ans :j’étais une p… comme ma sœur, je n’avais plus d’amis. Lorsqu’ une fille faisait une bêtise on disait que je l’entraînais, même si nous nous étions juste saluées. En vieillissant certains garçons ont essayé de se poser avec moi mais. Je ne pouvais pas car je connaissais la méchanceté de leurs mères et de leurs sœurs et je savais très bien que c’était peine perdue. J’étais seule, je pensais que je n’étais pas une fille bien ou pas assez bien pour les autres. J’ai rencontré une fille exceptionnelle qui m’a aidé même si on était loin l’une de l’autre. Nous nous écrivions à l’époque. Elle est ma seule et réelle amie. Je ne voulais pas penser, je me suis concentrée sur les études… Je suis diplômée et cela fait plus de dix ans maintenant que je travaille, j’ai construit ma maison… J’avais 27ans quand j’ai retrouvé ma sœur. J’étais en colère contre elle mais heureuse, à la fois. Ma nièce qui avait 16ans est décédée d’un accident en 2009. Elle avait deux frères. Mon seul regret est de ne pas l’avoir connu. La réputation me suit car je ne suis pas mariée. Les blessures sont présentes mais elles font partie de ma personnalité. Je me dis que ne peux pas être aimée par l’autre car j’ai souvent été blessée », confie la jeune femme.
L’image d’une mauvaise mère
Difficile de faire l’impasse sur la méchanceté de l’entourage lorsque la mauvaise réputation touche un parent proche comme la maman. Zina, 36 ans a dû apprendre très tôt, à combattre les préjugés des uns et des autres. Je n’avais que 6 ans lorsque mes parents ont divorcé. J’ai vécu avec ma mère environ 3 ans avant qu’elle ne rencontre un autre homme et qu’elle me confie à ma grand-mère. Elle m’a abandonné pour refaire sa vie. Elle a eu par la suite d’autres enfants mais cet homme ne voulait pas entendre parler de moi. Un peu comme si j’étais une petite fille illégitime. Elle m’a éduqué et m’a appris tout ce que je sais. J’ai souffert de cet abandon et me suis longtemps demandée comment elle avait pu me délaisser pour un homme. Elle venait me voir, de temps en temps lorsqu’elle rendait visite à sa maman mais c’est tout juste comme si j’étais l’enfant d’une tierce personne. Ce qui m’a le plus détruit c’est l’image d’enfant mal aimé de ses parents. Même si elle m’avait eu d’un premier mariage le fait de m’avoir laissé valait à ma maman la réputation d’une femme aux mœurs légères qui n’avait aucun scrupule et qui n’avait pas de cœur. Les gens aiment toujours en rajouter, un peu comme si mes soucis ne suffisaient pas. Il fallait, en plus que j’affronte les propos méchants et blessants des uns et des autres. Les voisins parlaient et disaient à certaines personnes qui me côtoyaient de se méfier de moi car je n’étais pas une bonne fréquentation. Pourtant, je ne faisais jamais rien qui pouvait contrarier ma grand-mère. Mes deux seules amies, qui avaient décidé de leur tenir tête et de ne pas se laisser influencer par la médisance n’étaient pas épargnées. Si elles « trainaient » avec moi c’est qu’elles étaient forcément de mauvaises personnes, mal éduquées…», rapporte la jeune femme.
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L’image de frères délinquants
Si certaines personnes tentent d’ignorer les rumeurs, d’autres sombres dans un profond mal-être. Coupées du monde, elles s’isolent. Nabila 39 ans a sombré dans une profonde dépression lorsque ces deux frères sont rentrés en prison. Elle n’a pas supporté les dires des gens. « J’ai toujours été perçue comme la petite sœur de deux « caïds », deux racailles. Personne n’osait s’approcher de moi, surtout pas pour me faire du mal. Ils savaient que mes frères seraient vite informés et qu’ils subiraient de rapides représailles. Vers l’âge de 16 ans, mes parents se sont séparés parce que mon père avait refait sa vie au Maroc, sans en aviser ma mère bien sûr. Ce fut alors le point de départ de la descente aux enfers pour ma famille et moi. Ma mère est tombée malade. Elle a fait une grave dépression. Mon père continuait à subvenir à nos besoins pour payer le loyer, les courses… Les voisins et même les gens du quartier savaient que mes frères étaient en prison. Ils parlaient beaucoup de nous. J’avais droit à des paroles blessantes et même à des moqueries. Mes amis se sont mis à m’éviter du jour au lendemain. Mon petit copain de l’époque a pris ses distances… Peu à peu, j’avais peur de croiser les regards, d’aller au lycée. Les messes basses des gens renforçaient en moi ce sentiment de ne pas être comme les autres. J’avais des idées noires, j’étais devenue l’ombre de moi-même. Jusqu’au jour où, j’ai rencontré celui qui serait toujours à mes côtés aujourd’hui, pendant ma formation d’aide-soignante. Il était infirmier à l’hôpital et ne connaissait rien de ma vie. Il me voyait sous mon vrai visage et non à travers la vie de mes frères. Je remercie Allah de l’avoir mis sur mon chemin. Il ne m’a jamais jugé ni ma famille, d’ailleurs. Je n’ai réussi à lui parler de nos épreuves que lorsque les choses sont devenues sérieuses entre nous, que nous commencions à songer au mariage… Même comme ça j’avais toujours un doute qu’un jour il ne se retourne contre moi et qu’il m’attaque avec ça». Beaucoup de gens souffrent mais, souvent leur désarroi se transforme en volonté de vivre, de réussir. Ils deviennent plus forts, plus endurants. Ils ont tellement côtoyé la méchanceté, qu’ils ne peuvent se résoudre à la cruauté, à la vengeance, à leur tour… Leurs seuls mots d’ordre sont : de continuer à se construire sans prêter garde aux racontars.
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