La désertion du lit conjugal reste un tabou. Le phénomène toucherait pourtant plus d’un couple sur cinq. Gazelle a rencontré cinq femmes qui ont sauté le pas. Elles nous racontent leur histoire.
Louna, 30 ans, deux enfants « Je dors avec ma fille et mon fils »
« Je ne dors ni dans le même lit, ni dans la même chambre que mon mari depuis deux ans au moins. Lorsqu’on s’est marié, on s’est installé dans un deux-pièces, grand et spacieux, qui nous convenait parfaitement. J’ai accouché de mon premier enfant, une fille, mais on a décidé d’y rester quelque temps. Sauf que le temps a passé et nous n’avons pas déménagé. Je n’étais pas gênée que ma fille, alors bébé, dorme avec nous. Contrairement à aujourd’hui… La situation me bloque complètement depuis qu’elle a deux ou trois ans, d’autant que j’ai donné naissance à un petit garçon depuis. Je ne conçois absolument pas de les coucher à côté de nous, avant de m’endormir dans les bras de mon mari. Résultat ? Je dors avec les petits dans la chambre, lui sur le canapé, seul dans le salon. Je souffre beaucoup et lui aussi, même si un déménagement est inenvisageable pour le moment : notre appartement présente des avantages difficiles à trouver ailleurs. J’espère quand même trouver une solution rapidement, par crainte de voir notre couple s’abîmer. Je sais à quel point l’intimité est importante dans une relation, et j’ai très peur qu’il aille voir ailleurs.
Inès, 32 ans, deux enfants « Il ronfle trop fort »
Nous avons fait chambre à part à la naissance de notre second enfant. Il pleurait beaucoup et mon mari était fatigué en rentrant du travail. Je lui ai proposé de dormir dans une autre chambre pour le soulager un peu, qu’il se repose et qu’il assure au travail : il a un poste à fortes responsabilités et dirige une dizaine de personnes. Le temps a passé. Il s’est habitué à dormir ailleurs que dans le lit conjugal. Il faut dire que j’ai allaité notre fille six mois, et qu’elle pleurait beaucoup. Lorsqu’elle a eu sa chambre, il est revenu. Mais… il ronflait beaucoup et très fort ! Il a pris l’habitude de dormir seul, de prendre ses aises. Moi, je ne dormais plus à cause de ses ronflements. Malgré l’utilisation de boules Quies, je l’entendais toujours. Il est finalement retourné dans l’autre chambre, pour ne pas me déranger. On s’est accommodé de cette situation, et aujourd’hui, je stresse en pensant qu’il puisse dormir à côté de moi. Faire chambre à part nous a éloignés physiquement. Les sentiments en ont pris un coup, bien sûr. J’ai peur qu’il aille voir ailleurs mais, en même temps, si je lui demande de revenir, il répond que ses ronflements m’empêcheront de dormir. Je lui ai conseillé d’aller voir un médecin, il dit qu’il le fera mais il ne le fait pas ; comme tous les hommes. Je ne sais plus quoi faire, je sens que l’amour s’étiole.
Safâa, 40 ans, deux enfants « Je dormais avec ma belle-sœur »
Notre appartement devenait trop petit : on prévoyait de s’installer dans une chouette petite maison. Le préavis a été déposé pour quitter l’appartement mais, deux semaines avant la date du déménagement, le propriétaire de la maison nous a informés d’un retard des travaux. Impossible de rejoindre notre nouvelle adresse avant plusieurs semaines. Une dispute a éclaté entre mon mari et le propriétaire de la maison : on s’est retrouvé sans domicile. Débarquer avec nos enfants chez les parents de mon mari est devenu notre seule solution. La situation était provisoire, le temps de trouver un nouveau logement. Mais partager un lit avec mon mari me gênait extrêmement. J’ai choisi de dormir avec ma belle-sœur. L’épisode a duré trois mois ; c’était infernal. Le cauchemar n’est pas terminé toutefois : mon mari s’est habitué à dormir seul, ce qu’il fait dans notre salon une nuit sur deux désormais. C’est très compliqué à vivre pour moi, et souvent une source de disputes entre nous.
Bouchra, 36 ans, deux enfants « Je ne supportais plus mon mari »
Je suis mariée depuis 2011. Depuis deux ans maintenant, je dors dans la chambre et lui au salon. J’ai imposé cette cohabitation parce que j’ai eu ras-le-bol de sa négligence. Plus les années passaient, plus la situation se dégradait, malgré la naissance de nos deux enfants, dont le dernier est âgé de 15 mois. Leur arrivée n’a rien facilité, au contraire. Aux yeux de mon mari, notre union et mon désir sincère d’enfants lui ont permis de commencer une vie de « célibataire ». Il était très content que je prenne soin des enfants et de la maison, que je gère les tâches administratives. Il ne voyait aucun mal à ne prêter aucune attention à moi. Il restait déjà très souvent et tardivement dans le salon, y dormait parfois. J’ai préféré que chacun ait son propre espace. Je lui ai simplement annoncé que je dormirai seule, et il ne s’y est pas opposé. La situation est très difficile à vivre, j’ignore si je l’accepterai longtemps encore. J’ai un garçon de 13 ans, issu d’un premier mariage et orphelin de père alors qu’il n’avait que 18 mois. Il a grandi sans vrai père, même si mon mari s’occupe très bien de lui depuis qu’il a quatre ans. Je ne souhaite pas que mes deux autres enfants manquent de la présence quotidienne de leur papa. C’est un choix de raison, aussi dur soit-il.
Fatiha, 56 ans, trois enfants « Il me trompait »
Nous sommes mariés depuis plus de 30 ans et nous faisons chambre à part depuis plusieurs années. Nous ne l’avons pas vraiment décidé. La séparation s’est faite au fur et à mesure, lorsque j’ai découvert voilà dix ans qu’il me trompait. J’ai voulu partir, mais il a sorti le grand jeu pour me calmer et me rassurer. Je suis restée sans trop savoir pourquoi. Chacun dormait seul à l’époque, jusqu’à de longues semaines après même. Retrouver le lit conjugal a demandé du temps. Pourtant, quelque chose était définitivement brisé. Les disputes sont devenues très fréquentes et je quittais la chambre régulièrement, au moment des grosses querelles. Je passe désormais ma soirée dans le salon, altercation ou pas. Je m’endors souvent devant la télévision. Il m’arrive de me réveiller et je retourne dans la chambre. La plupart du temps, je reste toute la nuit de mon côté du lit. Bien sûr, mon mari n’apprécie pas. Il met le sujet sur la table de temps en temps, pour se plaindre, mais je ne peux pas faire autrement : je ne me vois pas reprendre une vie « normale ».