L’héritage est sujet de bien des discordes. Des tensions éclatent souvent au moment du partage des biens du défunt. Certains se sentent lésés par la répartition des richesses. À la perte du proche se greffent diverses souffrances engendrant, souvent, l’éclatement du noyau familial.
La mort d’un parent, si la tristesse est bien présente, l’héritage crée parfois un fossé entre les membres d’une même fratrie. C’est pourquoi il est vivement recommandé, lorsqu’on possède des biens, de mentionner sur papier et auprès d’un notaire les personnes à qui l’on souhaite les léguer. D’ailleurs, il est également conseillé d’établir un testament de son vivant (wassiyat). L’Islam préconise aussi de réaliser ce document pour éviter les éventuelles discordes et faciliter le partage des biens avec équité. Toute personne peut ainsi faire don de ce qu’elle possède dans la limite du tiers de ce qu’il lui reste après déduction de ses dettes et des frais engendrés par ses funérailles. La sourate « les femmes » définit bien les questions de succession. Tout y est relaté aussi bien la manière dont doit être effectuée la répartition des biens, les personnes pouvant hériter, sans oublier la façon dont sont répartis les biens. Aussi bizarre que cela puisse paraître, obtenir une somme d’argent ou des bijoux de valeur de la personne décédée symboliserait l’amour de cette dernière à l’égard de ses héritiers. Sur ces bases, ce n’est plus étonnant de voir une fratrie se disputer le service en porcelaine tant apprécié par leur maman ou encore ce vase en céramique rapporté d’un voyage lointain.
Karima, 44 ans. « Nous avons été trahis par notre famille au pays »
« Lorsque mon grand-père est décédé, mes oncles et tantes en Algérie se sont partagé ses biens, son argent et ses terrains sans nous en parler. Nous sommes quatre frères et sœurs et ils n’ont mentionné aucun d’entre nous dans les papiers. Ils les ont trafiqués et ont effacé mon père et ma tante décédés afin que leurs enfants ne bénéficient de rien et qu’ils se partagent tout. Lorsque nous sommes partis en Algérie, mon frère et moi, la banque nous a informés que tout l’argent avait été récupéré par leurs enfants. Ils ont vendu les terrains et en ont profité parce que mon grand-père n’avait pas rédigé de testament. Là-bas, personne ne prend de nouvelles de nous ou ne nous aide à gagner notre combat. Pourtant, nous avons toujours été proches de la famille de notre père et avons été élevés par notre grand-père, avec eux. Nous n’avons jamais cessé de les soutenir dans leurs épreuves, mais visiblement l’argent rompt les liens. Finalement, nous avons engagé un avocat. Cependant, il ne nous apporte rien de concret et nous souhaitons en changer. Malheureusement, la crise du Covid-19 ne nous a pas permis d’y retourner depuis. Tout est en stand-by et cela est pesant. Nous nous battrons jusqu’au bout pour obtenir réparation. »
Myriam, 38 ans. « Ma mère avait des biens bien cachés !
« Ma mère est morte il y a huit mois. Avec mon père, elle avait presque terminé les travaux de sa maison achetée peu avant la pandémie qui a tout ralenti. En revanche, Allah a décidé de la rappeler vers lui dans son sommeil. Nous l’avons enterrée ici, toutefois sa famille, ses frères et sœurs, nous en ont voulu. Par les temps qui courent et à cause de la situation sanitaire, nous n’avons pas voulu descendre au Maroc pour ses obsèques. Nous sommes déjà endeuillés et nous n’avions pas souhaité nous ajouter un autre souci. Cependant, bien souvent, les problèmes arrivent subitement, et là, ils se trouvent de l’autre côté de la Méditerranée. La sœur cadette de ma mère avait procuration sur le compte bancaire ouvert par maman il y a une trentaine d’années, lorsqu’elle avait acheté une maison au bled. Elle avait une telle confiance en elle qu’elle lui avait aussi laissé des bijoux de grande valeur. Depuis le décès, cette fameuse tante ne m’a appelée que le jour de l’enterrement. Nous n’avons eu aucun soutien moral de sa part. Ma mère n’a fait aucun testament pour mentionner ses biens et ses héritiers. Aujourd’hui, nous savons que ma tante les a en sa possession, mais elle ne répond pas aux appels… Ma sœur est allée au Maroc l’été dernier, mais elle a prétexté qu’elle partait en vacances. Nous essayons de passer par ses frères et sœurs, mais ils ont peur d’elle. Nous comptons saisir la justice, mais avant tout, nous devons remettre la main sur les papiers, les factures des bijoux, afin de prouver notre bonne foi… »
Malika, 41 ans. « Ma mère a été écartée de l’héritage de son père parce qu’installée en France »
« Ma maman a quitté la Tunisie à l’âge de 18 ans. Elle en a 69 maintenant. Une fois mariée, elle s’est installée avec mon père dans le nord de la France. Elle a perdu son père il y a cinq ans. Sa famille au pays la croit bien trop riche parce qu’elle vit en France. Ils ont décidé de ne pas la compter dans le partage de l’héritage sous prétexte qu’elle a assez bien gagné sa vie à l’étranger ! Mon grand-père avait de nombreux terrains en ville et à la campagne. Il en avait assez pour chacun de ses 5 enfants, dont ma mère. Elle a engagé un avocat, toutefois avec la distance, elle ne peut pas s’occuper de cette affaire comme elle le souhaiterait, et sur place personne ne saurait l’aider. Pour ma mère, ce n’est bien évidemment pas l’argent qui l’intéresse, mais le principe de ne pas être lésée et d’obtenir quelque chose qui appartenait à son père en guise de souvenir. »
Comment se fait la répartition de l’héritage et des legs familiaux en islam ?
Le Coran est clair sur le sujet dans la sourate 4 verset 11 : « Au fils, une part équivalente à celle de deux filles. ». Pourquoi le garçon perçoit le double de la fille ? Cette façon de partager trouve son explication dans le fait qu’un jour, l’homme versera une dot à la femme qu’il épousera. À ce moment-là, la femme aura, alors deux parts. Par ailleurs, et même si cela se perd, en Islam, c’est l’homme qui doit subvenir aux dépenses de sa famille. Cet argent et ses biens provenant de l’héritage peuvent donc l’aider à subvenir à leurs besoins. La femme n’est pas obligée de dépenser son argent ou ses biens pour sa famille. Quant aux père et mère du défunt, il leur revient à chacun d’eux le sixième de ce qu’il laisse, s’il a un enfant. L’épouse peut obtenir le huitième des biens, selon la sourate 4 verset 12. Par ailleurs, selon la sourate 4 verset 11, les frères et sœurs n’héritent pas directement, sauf si un legs a préalablement été notifié. En revanche, ce dernier ne doit pas dépasser le tiers de la fortune de la personne décédée.