Devenir maman n’est ni inné, ni aisé. Confrontées aux difficultés quotidiennes et souvent livrées à elles-mêmes, certaines femmes déchantent. Elles ne perçoivent plus leur rôle de maman comme elles l’envisageaient avant la naissance. Certaines évoquent des regrets quant à leur maternité, bien qu’elles aiment profondément leurs enfants.
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Difficile pour une femme d’admettre regretter sa maternité. Elle serait vite traitée de mauvaise mère ou d’égoïste… Confronter l’amour et le regret est un pur paradoxe, mais peut pourtant être une réalité, par moments. Cependant, beaucoup de mamans dans cette situation assurent évidemment correctement leur rôle. Cette ambivalence ne les empêche pas de bien traiter leurs chers bambins, ni de leur souhaiter de réussir… Comment expliquer que certaines femmes ne perçoivent plus la maternité du même œil après l’accouchement, ou qu’elles éprouvent des remords ? Dès l’enfance, la femme est conditionnée à devenir maman. En grandissant, la société, la famille lui font sentir que, si elle n’enfante pas un jour, elle ne sera pas « normale ». Comme si devenir maman était l’accomplissement d’une femme, son aboutissement. Selon Orna Donath, docteure en sociologie et enseignante à l’université Ben Gourion du Neguev en Israël, auteure du livre Le Regret d’être mère, ce regret n’est pas lié aux enfants, mais à la maternité elle-même. Malgré l’amour porté à leurs chers bambins, certaines femmes ne cachent pas qu’elles ne sont pas épanouies, tant la charge mentale est omniprésente dans leur existence. Si certaines ont éprouvé des regrets dès la grossesse, d’autres les ont éprouvés bien plus tard. Pour mener son enquête, Orna Donath a récolté 23 témoignages de mamans d’âges différents.
SACRIFIER SA JEUNESSE POUR S’OCCUPER DE SES PETITS
Alissia, 29 ans, est mère de deux garçons. Elle affirme les aimer et ne leur vouloir que du bien, mais avoue regretter sa « vie d’avant ». « Je me suis mariée il y a trois ans. Je voulais tout de suite devenir maman, sans jamais penser que je le regretterai un jour. Avant de me ranger, j’aimais les sorties avec les amis, partir en voyage, flâner, faire du shopping… Je pensais que je pourrais vivre les mêmes aventures tout en ayant des enfants, mais ce n’est pas possible. Les petits ont besoin de beaucoup d’attention, sortir au restaurant avec eux, par exemple, est presque impossible. Il faut s’organiser pour tout, et bien en amont ; terminés les départs en week-end sur un coup de tête. Parfois, j’ai aussi des regrets quant à ma vie de couple de jeune mariée : j’ai l’impression de ne pas avoir assez profité de ma jeunesse. Les enfants ont pris toute la place dans nos vies. Lorsque je retrouve mes amies qui ont des enfants, nous ne pouvons même pas discuter tranquillement ou aller prendre un café. Nous sommes sans cesse en train de sermonner ou de calmer nos loulous. Ils sont le centre de nos mondes respectifs, et c’est parfois difficile à accepter. Je suis partagée entre le bonheur de les avoir – je me dis que sans eux, je serais sûrement triste – et le désir de retrouver l’insouciance d’antan, ces années où je ne portais pas autant de responsabilités sur les épaules ».
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FAIRE FACE À DES BAMBINS « DIFFICILES »
Safiya, 42 ans, est mère d’un garçon de 8 ans. Elle aime son fils, mais elle reconnaît qu’il la pousse souvent à bout. Un jour, très énervée, elle en est déjà venue à lui dire qu’elle aurait préféré ne pas l’avoir. « J’ai un seul enfant et, à vrai dire, je n’en souhaite pas d’autre. Celui-ci m’en fait déjà voir “des vertes et des pas mûres”. Je ne pensais pas que la maternité serait si difficile, surtout quand on est confronté à des enfants qui n’écoutent pas, comme mon fils. Il s’oppose à tout depuis qu’il est tout petit. Je me disais que cela lui passerait avec le temps, mais je commence à désespérer. Il est de pire en pire, il est exigeant, demande des jouets en permanence, fait des crises. Il joue au dur avec moi, ne me laisse pas une minute de répit. Il m’interrompt sans arrêt lorsque je parle au téléphone ou encore quand je travaille à la maison : il m’épuise. Avec son père, c’est différent, il respecte davantage les règles parce qu’il le craint. En revanche, de mon côté, les punitions ne portent pas leurs fruits. J’ai beau le menacer de le priver de dessins animés, de le priver de sortie, rien n’y fait. Je suis toujours en train de me battre avec lui pour me faire respecter. Il m’arrive de pleurer et de regretter de l’avoir dans ma vie, je me dis que je serais sans doute plus tranquille. Je m’en veux même d’avoir voulu faire comme les autres, j’aurais dû m’écouter. J’éprouve de nombreux remords. Son père me reproche de ne pas vouloir d’autre enfant, mais cette expérience m’en a dégoûtée. Encore une fois, je ne souhaite aucun mal à mon fils, je l’aime, je ne pourrais pas l’abandonner. Je ne souhaite pas le rendre malheureux. Je prie pour voir mon état d’esprit changer afin qu’il ne souffre pas de mon ressenti, ce ne serait pas juste de ma part. Il n’a pas demandé à venir au monde. »
ÉLEVER SEULE SES ENFANTS
Bon nombre de femmes s’occupent seules de leurs enfants et cela, même si le père vit sous le même toit. Djamila a 37 ans et trois enfants qu’elle chérit énormément. Cependant, elle regrette sa maternité car elle souffre du manque d’implication de son époux dans leur vie de famille. « Mon homme ne m’aide pas, il se repose entièrement sur moi, surtout lorsque je suis à la maison. Quand je sors, il ne prend pas de grandes initiatives. Si je ne lui donne pas les vêtements qu’ils vont mettre, il n’ira pas les chercher dans leur armoire ; de même pour la nourriture, il faut que je la prépare à l’avance, sinon, j’ai le droit à de nombreuses remarques désagréables… Lorsque les petits sont malades, c’est moi qui me lève, qui m’en occupe. Je suis fatiguée, je n’en peux plus de cette vie où je me sens uniquement au service des autres. Personnes n’est aux petits soins pour moi. Si je me plains, personne ne sera là pour m’entendre pleurer. Tout le monde ira se cacher dans sa chambre. J’ai l’impression d’être une “bonne à tout faire” qui n’a pas le droit au repos. Tout ça m’amène à me demander pourquoi je suis devenue maman, et quel est l’intérêt d’avoir des enfants si l’on se sent finalement bafouée. »
Une maternité harmonieuse peut naître lorsque les deux parents sont investis. Ainsi, moins éprouvées physiquement et mentalement, certaines mères seraient peut-être moins souvent amenées à regretter. Cependant, les regrets ne trouvent pas tous leur origine dans la charge mentale, et de nombreuses raisons, propres à l’existence de chaque femme, peuvent les expliquer.
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