Cadeaux, dîner, retrouvailles en famille… Fêter Noël pour faire plaisir aux enfants est important pour certains musulmans. Une occasion pour eux d’offrir de jolis présents, mais aussi d’apprécier un moment convivial. Témoignages.
Officiellement, les musulmans ne fêtent pas Noël. En effet, dans la religion musulmane, c’est l’année d’exil du Prophète Mohammed à Médine, en 622 de l’ère chrétienne, et non la naissance de Jésus, qui marque le début de leur histoire. Pourtant, même s’il s’agit d’une célébration non musulmane, beaucoup de jeunes parents fêtent Noël pour faire plaisir à leurs enfants. Ils organisent alors à cet effet un repas, décorent la maison et, parfois, le sapin en famille. Certains n’hésitent pas à égrainer les jours de décembre sur un calendrier de l’Avent. Célébrer Noël, c’est aussi pour eux une façon de permettre à leurs enfants de faire partie de la société, faire preuve de tolérance… En effet, ce n’est pas toujours évident pour un petit de répondre à la fameuse question « Et toi, tu as eu quoi ? » lorsque ce dernier ne fête pas Noël. Certains musulmans ont décidé de célébrer cette fête à leur manière, ils nous racontent.
Nadia, 29 ans « Je veux que mes enfants aient des choses à raconter lors de leur retour à l’école »
« Pour moi le réveillon de Noël doit être synonyme de fête. Je ne peux pas imaginer passer une soirée banale ce soir-là. Je m’arrange toujours pour inviter la famille. J’habille mes enfants pour l’occasion, nous préparons le sapin, les guirlandes, et nous décorons la maison… Nous fêtons Noël sans la dimension religieuse bien sûr, mais nous expliquons à nos enfants les origines et la signification de cette fête. Ainsi, nous souhaitons leur inculquer l’ouverture d’esprit, la tolérance, le partage, l’empathie… Mes enfants sont encore petits, ils ont 8 et 5 ans. Je souhaite donc qu’ils retournent à l’école la tête chargée de bons souvenirs à raconter. Pour moi, il est inconcevable qu’ils se sentent différents des autres enfants, qu’ils ne puissent pas partager leur joie, parler des cadeaux qu’ils ont reçus, alors que les autres en feront étalage. J’ai connu cela quand j’étais petite et je ne souhaite pas le leur faire vivre. En effet, chez nous, nous ne fêtions pas Noël et, de retour à l’école, je me sentais frustrée et je redoutais toujours cette fameuse question : « Qu’as-tu eu à Noël ? » Pour moi, les enfants n’ont pas à subir cela. J’essaie toujours d’organiser une fête originale ce jour-là en invitant, par exemple les enfants de la famille à la piscine, au parc d’attraction… Nous disons facilement « Joyeux Noël » autour de nous et même à nos enfants. Cela ne représente pas un péché pour nous même si nous comprenons tout à fait les musulmans qui ne souhaitent pas fêter Noël. Nous trouvons important que nos enfants s’intègrent et s’adaptent à notre société qui est diverse et multiculturelle. Être musulman, c’est avant tout être tolérant et bienveillant les uns envers les autres, sans faire de distinction ni dans l’apparence ni dans la religion. »
Sabrina, 38 ans « Je revisite Noël à ma façon, avec des spécialités algériennes »
« Mes enfants ont 14, 13 et 9 ans. Chaque année, je fête Noël pour eux, pour leur faire plaisir et me faire plaisir aussi. Pourtant, je ne l’ai jamais célébré lorsque j’étais petite, car j’ai vécu en Algérie jusqu’à l’âge de 23 ans. Lorsque je suis venue en France, j’étais déjà mariée et le premier Noël que j’ai passé ici, c’était dans la famille de mon mari dans le nord de la France. Il faisait très froid, mais il faisait bon vivre dans les maisons. Elles étaient non seulement bien chauffées, mais étaient aussi bien décorées. J’avais l’impression de vivre dans un des contes que j’avais l’habitude de lire quand j’étais petite. Cette année-là, chez ma belle-mère, j’avais participé à la décoration du sapin et à la cuisine. J’ai trouvé que les fêtes de fin d’année apportaient de la chaleur à cette période froide, triste et monotone. J’ai alors effacé les idées que j’avais sur cette fête avant de la vivre et j’ai naturellement porté Noël dans mon cœur. L’année suivante, j’ai invité tout le monde chez moi. J’ai organisé un grand dîner. Seulement, j’ai souhaité adapter le menu afin de faire découvrir les spécialités culinaires méconnues de mon pays. J’ai fait de la charchoura avec du poulet et de l’agneau. Cela change de la fameuse dinde de Noël, mais c’est un plat très riche et consistant qui se prête bien à cette occasion. J’ai posé aussi un grand saladier avec « drez », des fruits secs, des noix, des noisettes mélangés à des bonbons, des gâteaux orientaux… Bien sûr, j’ajoute des incontournables de Noël comme la bûche ou encore le saumon. Tous les ans, mon mari et moi offrons des cadeaux à nos enfants, car Noël sans présents, ce n’est pas tout à fait Noël. Depuis peu, les plus grands nous offrent aussi des cadeaux. Cela prouve que les valeurs que nous leur avons inculquées ont bien été transmises. Lors des fêtes de fin d’année, les lumières dans la rue, les centres commerciaux apportent une touche magique, féérique. Les foyers ont l’air plus chaleureux, les visages plus radieux… Au-delà de la religion, Noël sait lier les cœurs. »
Sana, 34 ans « Pour moi, c’est bien plus une fête culturelle que religieuse »
« Mon mari et moi sommes musulmans pratiquants. Nous avons quatre enfants âgés de 12, 9, 6 et 2 ans, et leur apprendre notre religion nous tient à cœur. Pour nous, le 25 décembre est une date importante et nous leur achetons des cadeaux. Ils font d’ailleurs leur liste et nous choisisons avec leur papa le cadeau qui leur sera le plus utile, le plus instructif. Parfois, nous leur offrons, en plus, un livre sur l’Islam adapté à leur âge afin qu’ils comprennent les fondements de notre si belle religion. Noël représente pour nous une occasion de les récompenser d’avoir été sages, d’avoir bien travaillé à l’école, d’avoir eu un bon comportement… C’est aussi une manière de nous rassembler autour d’un bon repas avec du saumon, des crustacés, du foie gras halal bien sûr ! Noël est bien plus qu’une fête religieuse, c’est une fête culturelle. Nous avons toujours fêté Noël dans nos familles respectives et souhaitons perpétuer cette tradition. Alors, mon mari se déguise en Père Noël, fait mine de déposer les cadeaux au pied du sapin et, le lendemain matin, les enfants les ouvrent, les yeux émerveillés. C’est beau de voir la surprise et la joie dans leur regard. Ils sont français et musulmans cela fait leur force, mais il faut qu’ils se sentent entièrement intégrés dans la société, car l’esprit de Noël, c’est aussi le rassemblement. »
Est-il licite de fêter Noël ?
POUR LES MUSULMANS, LES AVIS SONT PARTAGÉS. Pour certains, offrir des cadeaux à ses enfants ou dresser une belle table pour l’occasion est péché. Ils s’appuient sur le hadith rapporté par Abou Dawoud dans lequel le Prophète dit que « Quiconque imite un peuple en fait partie ». Des savants, comme Ibn Hajar al–Haytami, considèrent « parmi les plus mauvaises innovations, le fait que les musulmans se conforment aux chrétiens dans leurs fêtes, ceci en imitant leur nourriture, en leur faisant ou en acceptant leurs cadeaux ».
D’autres sont prêts à faire plaisir et à rassembler leurs proches, juste pour faire la fête, sans aucune connotation religieuse. Lorsque l’on demande à certaines personnes si Noël est haram, le jour de l’an bid’a et si souhaiter « bonnes fêtes » est permis aux musulmans, elles sont catégoriques sur ces sujets. Pour elles, ces actions sont toutes interdites en Islam. Pourtant, chaque année, les prêtres, les évêques et même le pape souhaitent aux musulmans du monde entier un bon Ramadan. Pourquoi ne pourrait-on pas souhaiter un joyeux Noël ou une bonne année ? Si on salue des chrétiens, on peut leur souhaiter un joyeux Noël. Cela ne signifie en aucun cas qu’on adhère aux dogmes chrétiens. Interrogé par Le Muslim Post, Ahmed Miktar, imam à Villeneuve-d’Ascq, président de l’association des Imams de France et président de l’aumônerie hospitalière des Hauts-de-France déclare : « Aujourd’hui, qu’est-ce qu’une fête ? Il s’agit en réalité d’une fête païenne. Les réveillons sont plus festifs que rituels. » Puis il ajoute : « Si Noël est lié à la chrétienté, à la naissance du Christ, rien n’empêche le musulman de souhaiter une bonne fête de Noël à ceux qui la célèbrent. » Il fait donc allusion aux musulmans pour qui il est inconcevable de souhaiter Noël. Il démontre le contraire en s’appuyant sur les versets 8 et 9 de la sourate 60 du Coran, Al-Mumtahanah (L’Éprouvée). Ces versets rappellent aux musulmans qu’ils sont tenus d’avoir un bon comportement même avec les personnes ne partageant pas leurs croyances. Prendre part aux célébrations de Noël est aussi un sujet qui engendre quelques discordes. Pourtant, il s’agit avant tout d’une fête avec une dimension culturelle très forte. Aussi, selon Ahmed Miktar, « il n’est donc pas interdit pour les musulmans d’y participer quand ils y sont conviés par leur famille ou leurs amis. Car Noël, c’est avant tout rendre les gens heureux, l’occasion d’être ensemble et de partager, et qui interdirait cela ? ». Finalement, l’essentiel est de savoir faire la distinction entre la fête et l’aspect religieux. Il est donc possible, selon lui, de célébrer les fêtes de fin d’année, car elles poussent à agir avec bienveillance envers les autres, à condition de ne pas pratiquer de rites religieux autres que ceux initiés par l’Islam.