Ils font le ramadan avec leurs enfants convertis, mais ne sont pas musulmans. À l’entourage qui les juge, ils répondent « tolérance » et « solidarité.
Un acte rare, mais généreux. Il est l’œuvre de parents, non croyants ou athées, qui partagent le ramadan avec leur progéniture. Il témoigne de leur ouverture d’esprit, d’un amour inconditionnel aussi. Le mois du jeûne leur a demandé de réels efforts, physiques et psychiques. Il a témoigné aussi des valeurs d’humanité que porte la religion musulmane. Un universel qui réunit pratiquants et non-musulmans.
Quand l’admiration prime
Camille, 29 ans, est convertie à l’Islam depuis deux ans. Elle a commencé à jeûner le mois complet l’an dernier. Sa maman qui craignait l’impact de cette nouvelle religion sur sa fille a finalement compris qu’il s’agissait d’un cheminement spirituel comme un autre et que sa fille n’est pas embrigadée dans une idéologie néfaste, comme elle le pensait. « Au début c’était difficile, mais je n’ai jamais tenté de cacher mes nouvelles convictions. Au contraire, j’étais tellement enthousiaste que je pensais que tout le monde pourrait être capable de comprendre ces preuves si évidentes de l’existence d’Allah qui sont mentionnées dans le Coran. Je me suis heurtée à un mur surtout avec mes parents. Ils n’ont rien voulu entendre au départ et faisaient tout pour que je délaisse la salat, par exemple. Ils me cachaient mon tapis, s’opposaient à ce que je me lève pour la prière du Fadjr… Quand je leur ai annoncé que j’allais faire le Ramadan. J’avais l’impression de leur avoir dit que j’avais commis un meurtre. Finalement, la première année, j’ai décidé de le faire seulement deux semaines. Me voyant appréhender le mois sacré, mes amies musulmanes m’ont conseillé de ne jeûner, au départ, que quelques jours, comme les enfants afin de ne pas ressentir trop de difficulté. La seconde année je l’ai réalisé entièrement. Mes parents n’ont pas vu cela d’une bon œil, mais peu à peu, ils ont commencé à s’intéresser aux raisons et au courage dont je faisais preuve pour jeûner. Ils se sont finalement persuadés que je vivais certainement une belle expérience. Ils m’ont même confié qu’ils étaient admiratifs de mon endurance face à la difficulté et que cela leur prouvait ma maturité. A ma grande surprise et vers la fin du mois sacré, mes parents ont souhaité participer à ce rite si important pour nous, musulmans. Ma mère a d’ailleurs préparé une excellente chorba, presque aussi bonne que celle que je mange chez mes amies», confie la jeune femme.
Par esprit d’altruisme
Adélaïde, 43 ans a une fille âgée de 19 ans. Elle s’est convertie à l’islam l’an dernier, quelques mois avant le Ramadan. « Je suis athée, mais je crois en l’être humain, aux bonnes valeurs, au savoir-vivre, au partage, à la solidarité et parce que j’ai en moi tous ces principes, j’ai jeûné avec ma fille trois jours de Ramadan l’an dernier. Je n’ai pas mal vécu la conversion de ma fille, au contraire, je me suis dit pourquoi pas ? Elle est en droit de faire des choix différents des miens. Il faut l’accepter. Je l’admire finalement, car elle a opté pour une religion qui est fortement décriée ces derniers temps. Ses convictions sont tellement solides, que je me suis laissé tenter de faire le Ramadan avec elle. J’ai jeûné seulement trois jours mais je peux dire que j’en suis heureuse. D’ailleurs, au-delà de l’aspect religieux, c’est une parfaite cure détox pour le corps et l’esprit. Les choses futiles n’ont plus d’importance, on apprend l’endurance en repoussant nos limites et en contrôlant nos pulsions. Je suis impressionnées par l’esprit d’humilité, de générosité dont font preuve les musulmans à ce moment-là. Je me suis aussi rendu compte que nous vivons dans tellement de confort. Dès qu’il nous manque quelque chose, nous ne sommes pas bien. Le Ramadan permet de réguler ce sentiment. Je suis décidée à revivre la même expérience que l’an dernier et à ajouter quelques jours, cela ne peut être que bénéfique. A deux, nous serons plus fortes »!
Pour échanger et partager
Quand Edith 51ans s’est aperçue que ses deux garçons de 24 ans étaient musulmans, elle n’aurait pas imaginé qu’elle découvrirait « une religion aussi riche et tournée vers l’autre ». « Cela fait cinq ans que mes jumeaux sont musulmans. Je l’ai découvert, un soir de Ramadan, d’ailleurs. Je me demandais pourquoi ils sortaient tous les jours à la même heure, juste après avoir mangé une datte et bu un verre d’eau. Pour en avoir le cœur net, je leur ai posé la question et là, sans détour, ils m’ont répondu qu’ils étaient allés faire la prière de « tarawih ». Nous avons longuement discuté et je leur ai reproché pourquoi ils m’avaient caché leur conversion. Ils craignaient ma réaction tout simplement. J’avais confiance en mes enfants en l’éducation que je leur ai donnée. Je les ai donc laissé vivre leur conviction. Un jour, les voyants aussi impliqués dans leur démarche, j’ai décidé de la partager avec eux. J’ai jeûné environ dix jours afin de leur prouver ma solidarité. J’ai réellement compris le vrai sens de « Djihad », qui consiste à combattre ses propres pulsions et à se purifier de tout ce qui peut être négatif à l’être humain. Le Ramadan est aussi un moment convivial durant lequel, la générosité prend tout son sens. Nous avons été invités à participer à différentes conférences autour de la spiritualité en Islam. Nous avons mangé à la table de musulmans. J’ai aussi souhaité témoigner à ma façon de ma profonde considération envers leur grande religion. J’ai aussi voulu prêter main forte à une association de quartier où œuvrent mes fils pour l’organisation de repas en faveur des plus démunis. J’ai vraiment compris que l’Islam est tourné vers l’autre, sans aucune distinction d’origine, de religion…» ! confie cette dame.
En jeûnant pendant le Ramadan, ces personnes ont fait de réels efforts aussi bien physiques que psychiques. Ce mois sacré marque un moment durant lequel la spiritualité et l’ouverture sur les autres sont plus accrues que d’habitude. Des notions universelles qui mettent aussi bien les fervents pratiquants, que les non musulmans, d’accord.