Loin d’être une partie de plaisir, enlever le voile à cause du travail peut apporter son lot de frustrations, ses doutes, ses craintes. En effet, retirer son foulard ce n’est pas comme retirer son manteau. Avec toute la dimension spirituelle que son port implique beaucoup de femmes ont le sentiment de voir disparaître une partie d’elles-mêmes, si elles ne l’ont plus.
Lire aussi : 10 Looks hijab avec un béret !
Carrière vs hijab, de nombreuses femmes se voient malheureusement contraintes de
privilégier leur emploi au détriment de leur voile. Bien que retirer le hijab ne signifie pas renier sa religion, elles craignent de désobéir à Allah. En effet, sur la question du retrait du voile pour travailler la plupart des avis des savants sont unanimes. La femme ne doit pas l’enlever, sauf si travailler est une nécessité pour elle et sa famille et sans quoi, leur vie serait en danger. Dans la pratique cette règle est difficilement applicable. Avec toutes les polémiques et amalgames autour du voile islamique, il est presque impossible de se rendre au bureau sans subir les regards interrogateurs, les remarques, voire les critiques de ses collègues, sans oublier l’incompréhension de ses supérieurs hiérarchiques. Par conséquent, de nombreuses femmes se voient forcées de le retirer afin de ne pas subir de préjudices moraux. Bien que certains efforts aient été menées ces dernières années pour l’acceptation des femmes voilées au travail, rares sont les sociétés qui les acceptent.
Le sentiment de me dévêtir entièrement
Nedjma, 22 ans est voilée depuis trois ans. Cependant, elle ne cache pas retirer le foulard de sa tête avant de rentrer sur son lieu de travail. « J’éprouve de plus en plus de mal à l’enlever. Au début, je me faisais une raison, je me disais que je devais respecter le principe de « laïcité » et que je ne devais pas monter de manière ostentatoire, mes croyances… Puis peu à peu, ma foi s’est accrue et je me disais que je m’enfonçais surement dans le pêché peut-être encore plus qu’une personne qui ne l’a jamais porté. Je retire mon voile à la dernière minute juste avant de rentrer dans l’enceinte de ma société. Bien sûr, je continue à m’habiller, de manière « mastoura » (pudique). Cependant, je me sens quand même mal, je suis rongée par
la culpabilité et la tourmente. Je ne suis pas à l’aise et j’ai surtout le sentiment de me dévêtir entièrement. Je ne suis pas l’aise et ai mauvaise conscience. Parfois, je me console en me disant que je fais quand même l’effort de le mettre et qu’Allah voit bien les obstacles auxquels nous sommes confrontés, nous Musulmans. Comme si un bout de tissu sur la tête faisait de nous des personnes plus mauvaises que les autres ou encore plus soumises… Nous avons toujours les plus mauvais attributs », confie la jeune femme.
Je n’ai plus envie de me justifier
Sakhria, 40 ans, assistante de direction a définitivement retiré son voile il y’a six ans. « J’ai porté le hijab pendant 3 ans et le regard des autres était très dur. Je l’ai essayé dans
différents modèles, même façon turban, donc plus discret, mais avec la hiérarchie et mes collègues, ça ne passait toujours pas. Ils ne me le disaient pas clairement, mais leur
comportement avait bien changé vis-à-vis de moi. J’étais exclue des pause-café, des pauses déjeuners entre collègues, je subissais au quotidien plein de questions posées sur un ton innocent, mais j’étais loin d’être dupe. Elles n’étaient pas anodines ces questions, bien au contraire. Du coup, je me suis repliée sur moi-même. Finalement, cette situation est devenue trop pesante psychologiquement, j’ai commencé par retirer mon voile devant la société juste avant de rentrer. Le personnel que je rencontrais à l’entrée semblait surpris de me voir ainsi me transformer. J’avais l’impression d’être deux personnes différentes, d’être hypocrite, envers Dieu. A chaque fois, je me de disais que le retirer pour le remettre plus tard n’avait aucun sens. J’ai finalement craqué et je l’ai retiré une bonne fois pour toutes. Je ne me sens pas bien sans, mais pour le moment préfère je ne suis pas prête de subir le mépris, les interrogations, les regards des autres. Le mettre, puis l’enlever comme on retirerai un chapeau ne m’enchante pas non plus. Depuis, j’ai l’impression qu’il me manque quelque chose, d’être vide dans mon âme » confie la jeune femme.
Lire aussi : Streetstyle automnal, 14 looks hijab
Je suis fatiguée de jouer un double jeu
Firdaous, 37 ans porte le hijab depuis douze ans. Elle travaille dans la fonction publique et n’envisage pas de quitter son emploi. « Ce travail j’en ai besoin, outre la sécurité qu’il offre, j’aime ce que je fais. D’ailleurs, dans le dine, le travail c’est en quelque sorte une adoration (ibada). J’ai besoin de me sentir utile. Je voudrais tellement ne pas avoir à faire de choix mais la seule solution que j’ai trouvée est celle de retirer mon voile, chaque matin dans la voiture et de le remettre en y retournant. J’essaye même de rester discrète en arrivant et en partant afin que les employés ne me voient pas avec mon foulard. Je n’ai pas envie de subir leur interrogatoire, pire leur regard inquisiteur. Je me sens être schizophrène. Je suis fatiguée de jouer un double jeu. Dans mon travail je connais bien les a priori de certains, notamment au sujet des Musulmans. Je les entends parler des gens qui « sortent de de la mosquée qui se trouve à côté « avec leur accoutrement ». Ils parlent aussi des femmes voilées qui à leurs yeux sont soumises et qui « profitent du système » en faisant beaucoup d’enfants. Des femmes qui ne travaillent pas et qui n’ont pas fait d’études puisqu’elles sont voilées. Elles ne peuvent sûrement pas prétendre à un emploi important, car elles ne sont, à leurs yeux ni intelligentes, ni cultivées », confie la jeune femme… Conscientes des difficultés rencontrées dans le monde du travail et ailleurs de nos jours, les jeunes femmes voilées se voient obligées de faire un choix dans leur apparence. Cependant, leur cœur reste fidèle à leur foi et leur conviction.
lire aussi : Shoppe le look hijab !