Livres, magazines, tickets de cinéma, cartes postales, bouteilles de parfums vides… Pour certaines personnes, ces objets même inutiles ont une valeur sentimentale trop importante pour être jetés.
S’il est recommandé de faire le tri dans ses affaires assez régulièrement pour se sentir bien chez soi, certaines personnes détestent faire le grand ménage de printemps. Elles n’osent pas jeter le moindre objet, car cela leur crèverai le cœur. Pour cause, elles ne souhaitent en aucune façon se délester de tous les objets qu’elles ont accumulé au cours de leur existence. Scientifiquement ce phénomène porte un nom : la « Thésaurisation pathologique » ou « syllogomanie ». Ces termes désignent le fait de garder de manière excessive, des objets obsolètes, d’aucune utilité, sans valeur pécuniaire. Les spécialistes apparentent cette caractéristique à un TOC qui peut avoir un sens au départ, car la personne se dit que conserver tel ou tel objet peut servir un jour, qu’il n’est pas bon de gaspiller… Plus cette manière d’agir s’installe dans le quotidien, plus elle devient pathologique. Pourtant, s’attacher ainsi aux objets permet pour bien des gens de ne pas se sentir triste, coupable…
Khaoula, 42 ans : « Les affaires que je garde me rappellent des souvenirs »
« A la perte de mon père, j’ai eu un terrible choc. J’étais très attachée à lui et complice. Depuis toute petite, il prenait soin de moi, alors que ma maman était limite maltraitante. C’était mon bol d’oxygène. Quand il rentrait du travail, je pouvais enfin respirer car je savais qu’il prendrait ma défense. Jusqu’à l’âge adulte nous avions un lien très fort. Il me demandait conseils lorsqu’il avait un souci, je le soutenais, l’aidait même à distance, car une fois mariée, je suis venue vivre en France. Il m’avait lui aussi aidé à construire une maison au pays, il s’occupait des travaux, s’assurait que les ouvriers respectent mes souhaits… Lorsqu’il est décédé, tout mon monde s’est écroulé. J’avais perdu une partie de moi et j’ai commencé à garder ses affaires. Je cherchais ce qu’il m’avait donné, j’allais chez lui respirait ses vêtements pour me souvenir de son odeur. Lorsqu’il a fallu trier ses affaires, je ne parvenais pas à tout jeter comme ma mère, mes frères et sœurs. Je gardais tout ce qui tombait entre mes mains. J’ai tout stocké chez moi, dans mon grenier et quand je suis triste je m’y rends c’est un peux comme si j’allais chez mon papa. Ma famille me dit que je me fais du mal mais je me soigne ainsi. D’ailleurs, je n’arrive plus à jeter quoi que ce soit. Si on m’offre des vêtements ou du parfum je ne peux pas les jeter. Ils ont une valeur symbolique pour moi et me rappellent la personne qui me les a offerts. Il m’est même déjà arrivé de conserver des fleurs, pendant plusieurs mois.
Maelly 50 ans : « Je garde les flacons de parfums vides en guise de souvenir »
J’ai commencé à conserver les bouteilles de parfums de marque à l’âge de 18 ans. Mon premier était Fidji. Quand je le portais j’éprouvais un sentiment d’évasion. Il sentait tellement bon qu’en le finissant j’ai décidé de garder le flacon vide, pour dire autour de moi : « voici le parfum que je portais lorsque j’étais jeune. Plus tard, j’ai travaillé dans une usine de conditionnement de parfums et j’ai découvert les flaconnages. J’ai alors décidé de conserver les bouteilles pour leur rareté. Je me disais que j’aurai au moins eu le privilège de les avoir eus en exclusivité. Ces flacons m’ont donné l’impression d’être une vraie femme. A l’époque, j’étais ambassadrice dans mes temps libres chez Avon. J’appréciais l’odeur du talc parfumé pour le corps. Quand j’ai acheté mon second flacon Paloma Picasso, j’ai aussi décidé de le conserver pour son originalité et sa puissante senteur de femme. Je me sentais évoluer dans un monde d’adulte et je m’affirmais avec cette bonne odeur. Depuis tout ce temps je garde les flacons, pour moi c’est un trésor fabuleux, que je ne voudrai perdre pour rien au monde. Je ne cherchera pas à combler un vide mais plutôt à garder des souvenirs et ils passent par l’odorat. Il m’arrive encore de sentir les bouchons des flacons certains sont encore imprégnés d’odeurs qui ont fait ma jeunesse.
Dania, 33 ans : « J’ai toujours eu cette idée en tête que tout peut servir ».
Parfois, je cherche des heures des objets et je ne trouve pas. C’est là où je me dis : « ma vieille, si tu avais su garder, tu n’iras pas acheter ! Pour moi garder n’est pas une histoire d’économie, mais aussi d’écologie, le déteste gâcher. Je ne veux pas jeter, car ça peut servir à quelqu’un, un jour. Je réutilise aussi beaucoup, je redonne une nouvelle vie à certains objets qui n’étaient pas destinés à une fonction, au départ. Je fais preuve d’imagination pour rendre utile ce qui ne l’était pas. Je jette rarement car cela me ferait trop mal au cœur. Je fais beaucoup d’activités DIY avec mes petits. Ils apprécient l’idée de conserver des boîtes vides, certains papiers de bonbons, emballages cadeaux… C’est une manière assez pédagogique et ludique d’apprendre la valeur des choses mais aussi à préserver la planète… »
Comment se défaire de la manie de tout garder ?
Pour certains spécialistes, une thérapie comportementale et cognitive est nécessaire pour venir à bout de ce type de TOC. Ainsi, les personnes qui en souffrent apprendront à se détacher aussi bien physiquement que mentalement de leur manie. Avant de jeter, il est nécessaire de trier pour se préparer mentalement. Les vêtements peuvent être rangés en fonction de leur état, les magazines par date, les livres par préférence, les objets en jugeant de leur utilité…. Mettre à la poubelle ne sera alors plus synonyme de torture. Selon les spécialistes, cette pratique serait moins angoissante que s’il fallait aussitôt se mettre à jeter des objets auxquels nous sommes plus ou moins attachés. Réorganiser ses affaires rendra cette corvée plus facile et agréable.