Lieux de rencontres, d’échanges, les zaouias sont des (confréries) religieuses liées, au départ à certains courants mystiques musulmans, mais ouverts à tous. Les fidèles se recueillent spirituellement autour d’un cheikh connaisseur en science religieuse pour faire le « dhikr » (évocation d’Allah). Une pratique controversée du fait que certains invoquent les saints inhumés, sur place, dans leurs prières. Ce type d’acte réfuté par l’Islam est assimilé à l’association à Dieu.
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Confréries religieuses tenant du courant soufi, les zaouïas ont pour vocation de montrer la voie, « tariqa ». Bien plus que des endroits où l’on apprend les enseignements coraniques, elles invitent tout un chacun à suivre les préceptes islamiques laissés par le prophète Mohamed. Elles invitent le croyant à évoquer et à invoquer Allah dans ses prières. Les Zaouïas ont longtemps joué un rôle important dans les domaines de la spiritualité, de la culture, ou encore de la politique dans les pays du Maghreb. Cependant, elles ont pris moins de place dans la société dès lors que ces pays ont commencé à retrouver leur indépendance. Le pouvoir est revenu aux régimes politiques ou monarchiques en place. Souvent montrées du doigt, car considérées comme de l’association à Dieu (chirk bilah) les zaouïas ont de nombreux adeptes. L’ignorance pousse certaines personnes à des dérives religieuses. Elles ont recours à des rituels et des pratiques ancestrales ne trouvant pas leur origine dans les enseignements islamiques. Parmi ces pratiques se trouvent : le fait de tourner autour du mausolée du fondateur de la zaouïa considéré comme un « saint » tout en lui demandant d’intercéder en sa faveur, de remédier à ses problèmes… Les fidèles allument aussi des cierges, et réalisent souvent des offrandes…
Vers davantage de spiritualité
Myriam a 39 ans. Elle est Franco-Algérienne de par son père et elle a grandi sans religion. « A mon adolescence, mes copines pour la majorité pratiquaient le pilier du Ramadan et exerçaient sur moi une petite pression pour le faire étant donné que j’étais pour elles, musulmane. En quête d’identité, sûrement j’ai commencé à le faire et me suis, donc mise à m’intéresser à l’Islam. Je posais des questions assez profondes et personne ne pouvait y répondre… Je n’aimais pas trop une grande partie de la culture, comme : la femme à la maison… J’ai dévié, mais l’intérêt pour la religion était resté. J’étais attirée par le bouddhisme, la philosophie, la psychologie, le rastafarisme… C’était la spiritualité qui me faisait vibrer. J’ai renoué avec l’islam en 2014 après une succession de faits. J’ai appris au début, seule chez moi et avec quelques amis musulmans, puis j’ai pris quelques cours. J’ai rencontré une personne que je trouve calme, posée, silencieuse presque apaisée et dès nos premiers échanges voilà que mon sujet favori : la spiritualité prend place. Après quelque temps, j’ai décidé de participer aux réunions de « dhikr » auxquelles il va mais, pour les femmes. En une soirée, j’ai compris que ma place était avec les invocateurs ceux qui désirent la Face de Dieu. Je fréquente la zaouïa depuis 2016. Là-bas, le but est de se purifier et de combattre son « nafs » pour laisser place à l’Unique, sans second pour être le plus propre possible le Jour J. J’y vais deux fois par semaine. En sortant, je me sens plus légère, avec le sourire aux lèvres, je me sens moins seule. Pour les rituels, nous récitons des versets du Coran al Karim et des prières sur le Prophète saws, nous faisons des « douas », des éloges aussi sous forme de « chants », « samaa » audition spirituelle. Nous y écoutons aussi un cours qui porte sur un pilier ou l’apprentissage des pratiques religieuses comme les ablutions, la prière et ses réparations, la « Sirà », la vie du Prophète saws. Nous finissons par un repas préparé par des sœurs ».
Un cheminement perpétué, de génération en génération
Linda, 36 ans est d’origine algérienne. Elle a depuis toute petite vu sa famille faire la « ziara », la visite aux « cheikhs » dans la zaouïa. « Tous les ans, avant les grandes vacances ma mère préparait, en même temps que nos affaires, des emplettes qu’elle avait spécialement réalisées pour les emmener dans les zaouïas que nous allions visiter durant l’été. Elle achetait des chemises pour les hommes, des tissus pour les femmes afin de les offrir aux plus démunis. Avec mes grands-parents, parfois des oncles, des tantes… Nous allions voir plusieurs « cheikhs ». Je me souviens que mes parents leur demandaient conseil sur différents projets qu’ils souhaitaient entreprendre. Ils étaient sages et avaient beaucoup de bienveillance à notre égard. Ils ne cessaient d’invoquer Allah pour qu’il nous facilite nos démarches. Ma famille faisait sadaka et multipliait ses invocations envers Dieu. Mes proches et moi n’avons jamais considérés ces cheikhs comme étant des saints au sens propre du terme. Nous avons toujours refusé de sombrer dans l’association. Pour nous il s’agit d’hommes vertueux, pieux qui transmettent leur savoir et aident les gens à améliorer leur foi en Allah. A présent, lors de mes visites, je ressens toujours le même sentiment d’apaisement. Ces endroits sont de vrais havres de savoirs et de paix où nous sommes tous logés à la même enseigne. Nous sommes amenés à partager la même nourriture ».
Rompre avec la solitude
Assia, 42 ans vit seule en France depuis longtemps. Livrée à elle-même, elle n’avait que très peu de famille ici. « J’ai perdu mes parents très jeune et j’ai passé une partie de ma vie chez mes grands-parents au Maroc. Là-bas, j’ai grandi en harmonie avec des valeurs musulmanes bienfaisantes comme le partage, l’altruisme, la bonté envers son prochain, le respect. Mon éducation a beaucoup été tournée vers l’autre. Pour moi il était donc, naturel que je me dirige vers les zaouïas. J’ai vécu au Maroc jusqu’à l’âge de 23 ans. Ensuite, comme je suis née en France, j’ai souhaité poursuivre mes études d’ingénieure ici. J’ai alors tout quitté, famille et amis pour me retrouver seule, isolée… J’ai beaucoup souffert du mal du pays additionné au stress et à la vie angoissante parisienne, à l’indifférence, à l’individualisme… Au bout de quatre ans, j’ai fait une dépression. J’ai découvert les zaouïas grâce à ma cousine qui avait enduré de terribles épreuves comme la perte de son mari et d’un de ses enfants. J’ai tout de suite apprécié l’esprit de ces lieux de culture et d’enrichissement personnel. J’oubliais mes soucis et surtout je me rapprochais naturellement de Dieu en faisant du bien autour de moi, en respectant la création du Divin, en acceptant qui j’étais et d’endurer les épreuves que le Très Haut me réservait. J’ai appris à lire le Coran avec le « tajwid », la psalmodie. Cela donne tout son sens à la lecture et à la récitation de ces paroles sacrées. On trouve une grande hospitalité dans ces lieux. Grâce aux aumônes des adeptes, il y a à boire et à manger à toute heure pour les visiteurs ». Bien qu’elles soient souvent des confréries soufies, les zaouïas sont ouvertes à tous. Elles sont à la fois des lieux de pèlerinage, de méditation, d’entraide où toute âme est la bienvenue et peut trouver le soutien souhaité.