Tempêtes, sécheresses, inondations… des millions de personnes tentent de fuir chaque année ces catastrophes liées à l’environnement. Les réfugiés climatiques, encore peu médiatisés alors qu’ils se comptent désormais par dizaines de millions, sont issus de toutes les régions du globe, mais surtout des pays pauvres d’Afrique et d’Asie. Gazelle a enquêté sur cet inquiétant phénomène, qui prend de l’ampleur avec le réchauffement climatique.
Lire aussi : Alerte canicule : comment mieux vivre la chaleur au quotidien ?
Selon l’Onu, en 2050, il est prévu 250 millions de réfugiés climatiques dans le monde. Un chiffre impressionnant, d’autant que les chaleurs extrêmes, incendies, inondations, ouragans, tempêtes, ont presque doublé ces vingt dernières années, dans de nombreuses régions du monde et notamment en Asie, selon un rapport de l’ONU. En Afrique subsaharienne par exemple, la sécheresse exceptionnelle de ces dernières décennies, combinée à de soudaines et violentes précipitations, impacte fortement l’agriculture, qui est une des principales ressources de la région. Le long des côtes aussi, les menaces sont réelles. « Une grande partie de la population mondiale vit dans les zones côtières. L’élévation du niveau des mers, provoquée par le réchauffement climatique, est une menace pour toutes ces populations. Dans le Pacifique Sud et l’océan Indien, de nombreux îles et atolls coralliens sont déjà submergés. Leurs habitants devront trouver dans un proche avenir de nouveaux lieux d’habitation. Les conséquences de la pollution sur l’environnement poussent également chaque année 26 millions de personnes à quitter leurs terres », indique François Gemenne. Chercheur à Sciences Po, ce spécialiste des questions migratoires s’intéresse aux questions de déplacements de population liés aux dégradations de l’environnement. Selon lui, les problèmes environnementaux sont déjà, aujourd’hui, une des causes majeures des migrations à travers le monde.
Une non-reconnaissance du statut de réfugié climatique
« Les réfugiés climatiques ne sont pas reconnus en tant que tels pour deux raisons. La première est que la convention de Genève de 1951 ne reconnaît pas ce statut de réfugié aux migrants touchés par les conséquences de problèmes climatiques. À l’époque, personne n’était en mesure de prévoir le réchauffement climatique en cours au niveau mondial. La seconde raison est que nous avons tendance, encore aujourd’hui, à penser que le phénomène de déplacement de population est seulement un problème environnemental local ; pourtant, par son ampleur et ses conséquences, il est bel et bien politique et économique », ajoute François Gemenne. Ce n’est que depuis quelques années qu’a lieu une prise de conscience des gouvernements concernant les impacts humains des changements climatiques. Pour le spécialiste, il est important que les réfugiés climatiques soient reconnus et pris en charge, au même titre que des personnes déplacées pour des motifs politiques ou économiques. Des déplacements limités… pour l’instant. Les personnes touchées par les catastrophes naturelles ne quittent généralement pas leur pays. Elles s’installent à quelques kilomètres de chez elles, afin de se mettre en sécurité avec leur famille, dans l’urgence et souvent la précarité. Ces populations sont généralement démunies et n’ont pas de grands moyens pour quitter leur pays et s’installer durablement ailleurs. Elles subissent donc les impacts du réchauffement climatique de plein fouet. « Il faut bien comprendre que l’émigration climatique est différente de l’émigration politique ou économique, plus particulièrement sur un point, celui du retour, qui n’est souvent plus possible dès lors que le pays a été quitté suite à une catastrophe naturelle », ajoute François Gemenne. Malheureusement, si l’on s’en tient aux prévisions climatiques actuelles, les problèmes environnementaux vont pousser de plus en plus de personnes à quitter leurs terres dans les années à venir. Les spécialistes sont également de plus en plus nombreux à affirmer que les déplacés climatiques seront amenés, dans un avenir proche, à passer les frontières, avec tous les problèmes que cela implique, pour se mettre à l’abri et tenter de démarrer une nouvelle vie avec leur famille.
Lire aussi : Gazelle donne sa voix aux Rohingyas
Des solutions encore insuffisantes, mais qui se développent
Face à cette tragédie inéluctable, que font les grandes organisations internationales ? Toujours selon le spécialiste des questions migratoires, il existe des solutions pour prévenir les catastrophes naturelles et leur impact et secourir les populations touchées. Dans chaque pays, la société civile et les gouvernements sont à l’œuvre. Dans le cas des déplacements de populations transfrontaliers, des problèmes légaux et financiers complexes se posent. La communauté internationale s’emploie déjà à les résoudre sur le terrain. « L’initiative Nansen a été mise en place par la Suisse et la Norvège en 2012. Elle vise à recommander une série de bonnes pratiques pour faire face à ces catastrophes et aux drames humains qu’elles engendrent. Ce programme a été adopté par cent dix pays le 13 octobre 2015 », ajoute François Gemenne. Il a pour vocation première d’améliorer la protection des personnes contraintes de se déplacer à l’étranger en raison de catastrophes naturelles, et de les aider à s’installer dans leur pays d’adoption. Selon le NRC, le Conseil norvégien pour les réfugiés 16,1 millions de personnes se sont exilées hors de leur contrées en 2018. Les pays les plus concernés par cette situation sont : l’Inde, la Chine et les Philippines.
Le dérèglement climatique ne connaît pas de frontières. En plus des problèmes liés aux migrations et à l’accueil de réfugiés, l’Europe pourrait aussi être rapidement concernée par le phénomène des déplacements environnementaux, puisque les zones tempérées sont aussi menacées par la montée des eaux, les tempêtes et les inondations.
Lire aussi : La communauté marocaine à Amsterdam touchée par le tourisme de masse