De nombreuses tendances trouvent leur source dans le passé. Que ce soit la mode, la musique ou le style de vie, anciens et nouveaux finissent par se confondre. Aujourd’hui on assiste au retour des mariages jeunes.
En amour il n’y a pas d’âge ?
On pensait le mariage démodé, arriéré ? Il faut croire que non. Avec l’arrivée du printemps, la saison des noces est ouverte ! Selon l’INSEE 71% des couples français sont mariés et 21% vivent en concubinage, incluant les couples mariés religieusement. Et même si la moyenne d’âge est d’environ 37 ans, on constate depuis peu un rajeunissement de ces couples. Pour certains, ils sont à peine majeurs.
Amina (19 ans) : J’ai pas mal d’amis de mon âge qui se sont mariés dans mon entourage. Que ce soit des garçons ou des filles. Y’en a qui se sont connus au lycée.
Nos grands-mères nous racontaient qu’elles s’étaient mariées avant leurs 20 ans. Nous attribuions cela à l’époque. Pourtant l’évolution de la condition des femmes n’a rien retiré au fait qu’elles sont de plus en plus nombreuses à être pressées de dire oui. Un double paradoxe, car si du côté des hommes le cliché leur attribue la peur de l’engagement, nous devrions sans doute revoir nos préjugés.
Mais qu’est-ce qui a remis au goût du jour cet acte qu’on croyait dépassé ? Faut-il s’en inquiéter ?
Nais (21 ans) : le mariage pourrait être l’accomplissement de la vie pour certaines personnes (…) c’est une question d’éducation et de vision de la vie. Après, souvent quand on est jeune on peut être très influençable.
Etre projeté dans une vie d’adulte à un si jeune âge peut avoir des répercussion dans le futur sur la santé mentale. Le regret d’avoir été trop pressé de grandir.
La monétisation d’un mode de vie embelli
Se marier tôt est devenu un rêve pour certains, notamment parce qu’ils ont été attirés par ce mode de vie. Un concept de plus en plus présent sur les réseaux qui embellissent la réalité. La perspective d’être un/e « époux/se » est séduisante. Les influenceuses et leur vie de jeunes mamans à Dubaï ou les hommes qui filment de A à Z la demande en mariage avec la légende : she said yes. Celle de l’influenceuse Poupette Kenza avait fait beaucoup de bruit de par son extravagance : son fiancé avait organisé un shooting en plein désert pour mettre un genou à terre. Tout est mis en scène pour attirer le regard et valoriser le mariage. Ces influenceurs comptent des millions d’abonnés dont beaucoup de mineurs, quoique le contenu est censé refléter une vie d’adulte. Et tout ça entre deux placements de produits. Ce qui peut poser problème ce n’est pas de partager son mode de vie mais de clamer que c’est le seul est unique à adopter. Une tendance que tout le monde doit suivre pour rentrer dans un énième moule. Du point de vue féministe, il y a une vraie polarisation qui domine les réseaux sociaux : celle de vivre en couple le plus tôt possible, ou de faire la paix avec le célibat.
Salma (22 ans): je pense que l’on ne peut s’épanouir qu’en se mariant. Je pense que l’on est obligé de s’épanouir personnellement avant de s’épanouir dans le couple.
La crainte des « tradwives »
Après un progrès, il a souvent un regain conservateur. En réponse aux vœux d’indépendance de beaucoup de femmes dans leur vie de famille, les trad wives sont apparues. Ce mouvement réactionnaire prône un retour de l’épouse en tant que femme au foyer. Leur vie est dédiée uniquement à leurs familles. Très présentes aux Etats-Unis, la plus connue est Estee Williams sur Tik Tok. Ces femmes revendiquent un mode de vie similaire aux fifties.
Nais (21 ans): C’est quelque chose qui me révolte. Le problème c’est qu’elles décrédibilisent et donnent une mauvaise image des autres modes de vie. C’est assez mauvais sur les réseaux sociaux quand les jeunes générations regardent et sans avoir de réel avis dessus.
Ce mouvement ouvertement antiféministe prône un mode de vie patriarcale dans le couple avec une répartition stricto genrée des tâches. Leur quotidien consiste à s’occuper de la maison, leur mari et leurs enfants. L’aspect financier repose entièrement sur le travail du mari. Une tendance qui peut effrayer car comme beaucoup de modèles, elle rentre dans la socialisation des générations futures. Même si le mieux serait d’avoir une pluralité d’opinions, suivre est parfois plus facile que choisir.
La tendance du mariage jeune nous interroge sur le progrès de notre société sur la question. Avons nous fait un pas en arrière ? Ou est-ce le résultat d’une meilleure compréhension du concept d’engagement. Il est possible que si les plus jeunes se marient plus tôt c’est parce qu’ils ont accepté que le mariage unique n’est pas la seul issue. En cas de rupture le divorce est une option envisageable et non un échec.
Yamina Benchikh-Lehocine