Oifa Krifa est une jeune femme que l’on peut vraiment qualifier de « Wonder woman ». Elle sait ce qu’elle veut et ne craint pas d’affronter l’avenir. Carriériste et passionnée, elle est capable de délaisser une activité qui lui déplaît pour s’engager vers des sentiers inconnus. C’est ainsi qu’elle a créé sa propre société IKITIME, un terme inspiré d’une activité issue du développement personnel l’Ikigai, qui signifie donner un sens à son existence en japonais. Elle propose une application de services de conciergerie et d’hospitality manager destinée aux entreprises et leurs collaborateurs, 7j/7j, 24 h/24 h. Une manière d’inviter les clients à donner du sens à leur temps.
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Oifa, vous êtes née en France, mais avez été élevée par votre grand-mère en Tunisie, pouvez-vous nous parler de cette époque ?
Mes parents m’ont envoyé en Tunisie vers l’âge de 9, 10 ans car ils craignaient que nous tournions mal, ma sœur et moi. Ils pensaient qu’en Tunisie, on serait protégées des mauvaises influences. Nous avons vécu chez ma grand-mère durant cinq ans, . En Tunisie, j’étais en échec scolaire. Nous sommes alors retournés en France et j’ai réintégré l’école en classe de 4ᵉ à Carpentras. En troisième, la conseillère d’orientation (ou de désorientation) m’a aiguillé vers la filaire électrotechnique. Je n’ai jamais compris ce choix… Je me suis retrouvée dans une classe de garçons, dans un lycée en internat, à 80 km de chez mes parents. Le surveillant me disais : « Oifa, tu devrais arrêter cette filière, je te verrais bien dans le domaine de la communication, des relations clients ».
Vous avez ensuite décidé de vous rapprocher des enfants
À la suite de l’option de mon BAFA, j’ai eu le plaisir de travailler avec les enfants durant l’été. Cette expérience m’a permis d’entériner définitivement mon parcours scolaire en électrotechnique,. Je ne pouvais pas me forcer davantage. J’ai voulu poursuivre mon évolution professionnelle dans le social avec les enfants. J’ai trouvé un centre social qui m’a tout de suite intégrée dans son équipe d’animateurs. J’ai aussi passé mon BAPAAT. Je me suis occupée des adolescents, je leur ai proposé différentes activités. J’ai beaucoup apprécié cette expérience, Mais, au bout de cinq ans de loyaux services sans pouvoir évoluer, je n’ai pas hésité à quitte mon travail. J’ai enchaîné par une formation d’assistante commerciale et j’ai rencontré mon mari entre-temps. Nous nous sommes mariés en 2010 et sommes partis seulement quelques mois après en Egypte, pour son travail.
Comment avez-vous vécu votre expérience en Egypte ?
Cette expérience était magique sur tous les plans, notamment sur le plan humain. Nous vivions au Caire. C’est un pays merveilleux. Je n’ai jamais rencontré des gens aussi bienveillants. J’ai été contactée par une école franco-britannique pour enseigner le français là-bas. Je ne me voyais pas dans la peau d’une enseignante, mais je me suis quand même lancée dans cette aventure. Je ne l’ai pas regretté. Pendant un an et demi, nous avons vécu heureux, jusqu’à la révolution. Nous avons alors été contraints de quitter le pays. La société française avec laquelle mon mari travaillait s’est chargée de notre rapatriement.
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Que s’est-il passé à votre retour en France ?
A mon retour, j’ai eu mon premier enfant, Naïm. Il a neuf ans à présent. Mon envie de travailler était plus forte que le plaisir de profiter du congé de maternité. De nature altruiste et très orientée service client, J’ai alors rejoint le domaine de la conciergerie d’entreprise dans un grand groupe en tant que responsable de conciergerie. J’ai mis en place des services comme la garde d’enfants, le ménage, les réservations de taxis, de bouquets de fleurs, des commandes de fruits et légumes. J’ai également géré l’organisation d’événements, d’anniversaires, séminaires, événements pros… J’étais l’une des employés qui réalisait le plus de chiffre d’affaires. Ensuite, j’ai eu ma petite fille, Ilef, Elle a 6 ans aujourd’hui. De retour de mon congé de maternité, j’ai eu l’opportunité d’évoluer et d’aller travailler sur un site plus conséquent et avec plus de responsabilité. Il m’a ensuite été proposé d’être « volante » afin de former les nouvelles arrivantes et faire des remplacements dans divers postes. J’ai à nouveau accepté ce challenge, j’aime bien relever les défis et transmettre mon savoir-faire. Entre-temps, j’ai eu mon troisième enfant. Heddy âgé de 4 ans. Une fois n’est pas coutume, de retour de mon congé de maternité écourté, j’ai de-nouveau évolué en tant que chargée de clientèle. Je me suis adaptée à ce nouveau poste. J’étais appréciée de tous et j’aimais une fois de plus ce que je faisais, jusqu’à l’arrivé de la une nouvelle chef en septembre 2018.
Que s’est-il passé ce jour de septembre 2018 ?
Au début, tout se déroulait au mieux, mais peu à peu nos relations ont commencé se dégrader. Lors de l’entretien individuel fin d’année, nous avons fait le point sur mon travail ainsi que sur mes futures aspirations professionnelles. Comme j’aime toujours acquérir de nouvelles expériences et évoluer, j’ai répondu très sincèrement que je souhaitais réaliser une formation en marketing communication. Elle a trouvé de nombreux arguments pour me dissuader de faire cette formation tout en me dévalorisant et en m’humiliant. Par la suite, les reproches en cascade fusaient ; elle n’arrêtait pas de me faire des remarques désobligeantes et infantilisantes. Elle me harcelait. Si j’avais le malheur d’arriver cinq minutes en retard à cause des transports, elle n’hésitait pas à me le reprocher dans l’open-space devant les autres salariés, par exemple.
Comment avez-vous réagi face à toute cette injustice ?
J’étais très affectée psychologiquement et même physiquement. Je ne me rendais pas compte, mais sur la même période on m’a décelé un cancer du col de l’utérus. Je l’ai appris au travail. J’étais complétement anéantie. Je me demandais si mon état allait s’aggraver, si je serais encore vivante pour mes enfants qui sont tout-petits. L’année 2019 était très mal engagée. Puis, j’ai décidé de me ressaisir et j’ai pris mon courage à deux mains pour lui reformuler ma demande de formation au pré de ma responsable. Je lui ai même demandé d’ajuster mon statut en tant que cadre -assimilé pour être en cohérence avec mes responsabilités et mon collègue de travail à iso-poste. Dix jours plus tard, J’ai de nouveau essuyé un refus. Je n’étais pas reconnue à ma juste valeur, J’ai donc décidé de partir en démissionnant malgré le cœur et l’énergie que j’ai déployée pour mon travail. Sans aucune empathie, et conformément à « loi d’emmerdement maximum », ma direction m’a refusé la rupture conventionnelle.
Comment est née votre société Ikitime ?
La crise sanitaire est arrivée et heureusement mon mari m’a beaucoup soutenue. Il m’encourageait à partir et à quitter cette atmosphère nauséabonde. Il savait que j’étais bloquée professionnellement à cause de ma responsable. Il m’a conseillé d’entreprendre. Au début, je n’étais pas vraiment convaincue. Mais au fil des jours, l’idée de développer une application de conciergerie d’entreprise germait en moi. Sans hésiter mon conjoint m’a dit : « Lance-toi, c’est une bonne idée » !
Dès lors, j’ai établi mon business plan en m’appuyant sur la formation intensive et accéléré de chez « Powiz ». Ils m’ont donné tous les outils pour peaufiner et formalisé mon idée et pour mener à bien mon projet. Tout ceci a eu lieu durant le premier confinement. En partant de l’idée de gagner du temps, le nom d’Ikitime m’est apparu comme une évidence. Je me suis inspirée d’un mot japonais « IKIGAÏ » qui signifie donner un sens à sa vie. Ikitime c’est donc : « Donnez du sens à votre temps en déléguant les tâches que vous n’avez pas le temps de réaliser ». Aujourd’hui, 2 entreprises font déjà confiance à IKITIME et nous sommes en discussion avec différentes entreprises, comme Cegelem, Aveltys, Vivendi, Axe Partners…
Quels conseils pouvez-vous donner aux gens qui souhaitent se lancer dans un projet professionnel ?
Finalement, on peut devenir ce que l’on souhaite. Il ne faut pas se décourager. Si vous souhaitez être chef d’entreprise vous pouvez y parvenir. Quel que soit le domaine d’activité dans lequel vous souhaitez exercer vous pouvez y arriver. Il faut persévérer et rester rigoureux. Aujourd’hui, J’ai réalisé mon business plan, je développe mon entreprise avec 4 collaborateurs, je suis monté en compétence dans les domaines du marketing, et de la communication… Il ne faut surtout jamais se mettre de limite. Je suis heureuse d’avoir eu le soutien de tout mon entourage ce qui m’a permis de me maintenir ma motivation intacte jusqu’à la création de mon entreprise. Vous pouvez vraiment devenir ce que vous voulez, il faut se donner les moyens d’aller jusqu’au bout.
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