Elles ont grandi en France et avaient bien l’intention d’y rester, mais la vie en a voulu autrement. Par amour, elles ont dû tout quitter pour aller s’installer au bled. Une expérience que des gazelles ont accepté de nous raconter.
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Un départ forcé
Safia n’a pas eu le choix ; quand elle a accepté la demande en mariage que lui avait faite Bilel, elle a aussi accepté de faire ses valises pour s’installer à Oran. Elle qui ne s’imaginait pas vivre à plus de quelques kilomètres de sa mère, a dû accepter de voir la mer Méditerranée les séparer. « Depuis le début, il a toujours été honnête avec moi et il n’était pas question pour lui de venir vivre en France. D’ailleurs, c’est ce qui m’a plu chez lui, je me suis dit qu’il ne voulait pas m’épouser pour avoir les papiers. Le fait de me dire que c’est moi, et pas la France qu’il voulait m’a rassurée. Mais c’était au début parce que, au fond de moi, je ne me voyais pas vivre là-bas. En plus, j’étais sûre et certaine que pendant les préparatifs du mariage il allait changer d’avis. Mais non ! Il était déterminé parce qu’il avait un petit business qui fonctionnait bien et, comme il n’a pas de diplôme, il n’avait pas envie de galérer ici. » Même si elle savait ce qui l’attendait et malgré son amour, Safia a bien failli renoncer à son couple à cause de ce déménagement imposé. Heureusement, elle a pu trouver du soutien auprès de son fiancé mais aussi de sa famille. « J’ai eu envie de tout annuler plusieurs fois. J’ai aussi essayé de le convaincre jusqu’au dernier moment mais, en fait, il avait raison, ici ça aurait été trop dur d’avoir une bonne situation donc j’ai fini par partir. On s’est mariés là-bas pendant l’été et je ne suis pas revenue. » Pour sa part, Zineb a fait le chemin inverse puisque c’est après son mariage qu’elle est venue s’installer avec son mari à Marseille. Après y avoir vécu pendant quinze ans et eu deux enfants, elle a dû faire ses bagages pour retourner en Algérie. « On n’avait pas du tout prévu de rentrer, ça s’est décidé en l’espace de quelques semaines. Mon mari a perdu son père, et sa mère s’est retrouvée toute seule. Il n’était pas question pour lui de la laisser, donc il a voulu qu’on aille s’installer là-bas pour qu’elle puisse venir vivre chez nous. Franchement, j’étais complètement contre au début et, pour mes enfants, c’était encore pire. Ils n’avaient pas envie de devenir des “clandos” comme ils disent. Mais j’ai compris que c’était important pour mon mari alors je me suis faite à l’idée et j’ai essayé de convaincre nos enfants. On est partis en cours d’année scolaire et on a tout laissé derrière nous. » Pour Khadija, en revanche, la décision n’a pas été si difficile à prendre. Du haut de ses 29 ans, elle a vu en ce départ, une nouvelle expérience et une aventure temporaire. « C’était facile pour moi d’accepter puisque ce n’était pas pour toujours. Pourtant, quand je me suis mariée, ce n’était pas du tout dans nos plans. Mon mari a changé de travail et il a eu une occasion à saisir au bled. C’était un contrat de quelques mois, donc il y est allé tout seul. Je suis restée ici avec notre fils. À la fin de ce contrat, on lui en a proposé un autre, d’un an cette fois. Il m’en a parlé et j’ai tout de suite dit oui. Notre fils n’avait qu’un an, il n’allait pas à l’école donc ça ne le perturberait pas. On est allés le rejoindre presque du jour au lendemain. On n’a même pas lâché notre appartement. »
Une nouvelle vie à appréhender
Malgré sa bonne volonté, Khadija s’est rapidement retrouvée confrontée à la réalité. Changer de pays, c’est aussi changer ses habitudes. La jeune femme a perdu tous ses repères et il lui a fallu du temps avant de les retrouver. « Au début, c’était la catastrophe, j’étais perdue. Heureusement, j’avais mes tantes qui n’habitaient pas loin et j’appelais ma mère sans arrêt. C’était souvent pour des petites choses futiles du quotidien mais c’était perturbant. Je me souviens que, une fois par exemple, je voulais de la crème fraîche et je n’arrivais pas à en trouver, j’ai appelé tout le monde pour trouver une solution. Mais il n’y avait pas de solution, c’est juste que, à l’époque, il n’y en avait pas au bled, j’ai dû adapter ma recette. Ce n’est rien de grave mais c’est perturbant et il faut composer. Le temps que je m’y retrouve, c’était déjà l’heure de rentrer en France ! » Pareil pour Zineb qui a dû adapter tout son quotidien mais surtout celui de ses enfants. « J’ai passé toute ma jeunesse en Algérie, donc c’était facile pour moi. C’est pour mes enfants que ça a été difficile. Déjà, obliger des adolescents à changer de vie et à abandonner leur école et leurs amis, c’est un gros challenge mais quand, en plus, on leur enlève un peu de leur luxe, bonne chance ! Pour ne pas trop les perturber, on a essayé de leur faciliter la vie en leur mettant des abonnements avec internet sur leur téléphone ; on a fait en sorte qu’ils aient les chaînes françaises à la maison et puis, à chaque fois que quelqu’un venait en Algérie, on lui faisait une petite liste de choses à nous rapporter. Ça n’a pas été facile mais tout le monde a fini par se faire une raison. Malheureusement, quatre ans après notre installation, ma belle-mère nous a quittés. Nous n’avions plus de raisons de rester ; nous sommes rentrés et là, encore, il a fallu se réadapter mais c’était plus facile dans ce sens-là. » À l’inverse, Safia a posé définitivement ses valises au bled, et pas question pour elle de faire marche arrière. Elle avoue quand même que tout n’a pas été facile depuis le début et que c’est avec le temps qu’elle a pris goût à sa nouvelle vie. « Je me suis sentie seule parce que je ne connaissais personne, je n’avais pas ma famille, alors que mon mari avait tout le monde autour de lui et un travail. Moi, je restais seule toute la journée à l’attendre. Je ne vous raconte pas l’ennui ! Au bout d’un moment, j’ai décidé de chercher du travail, que j’ai trouvé dans une compagnie d’assurances. Maintenant, je suis occupée toute la semaine, je me suis fait des copines, et mon fils m’occupe le reste du temps. » Pour elle, impossible maintenant de voir l’avenir ailleurs. Elle a trouvé une solution à ce qui était des inconvénients et ne voit désormais que des avantages à sa nouvelle vie. « Je suis trop bien ici. Je me sens vraiment chez moi ! Je n’ai jamais un regard de travers ou une parole raciste. Je préfère que mon fils grandisse dans un pays musulman, qu’il entende l’adhan et qu’il apprenne l’arabe directement à l’école. De toute façon, mon mari ne veut toujours pas partir et, maintenant, on est tous les deux du même avis ! »