Certaines femmes ont des appréhensions qui les empêchent parfois d’envisager une seconde grossesse. De la crainte de moins aimer le deuxième bébé à la peur de ne pas pouvoir s’en occuper, les raisons de renoncer sont les relativiser.
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Mettre au monde son premier enfant est une expérience magnifique. La femme devient mère, rôle qu’elle endosse un peu plus chaque jour et qui apporte de nouvelles émotions, toutes aussi fortes les unes que les autres. Ce lien si particulier qu’elles ont réussi à tisser avec leur premier enfant empêche certaines femmes d’envisager une autre grossesse. L’idée même de voir disparaître cette relation unique engendre chez elles, peine et culpabilité. « Le changement radical qu’implique le fait de devenir mère amène les femmes à s’investir pleinement dans leurs nouvelles attributions, explique Douchika Vrsajkov, psychologue psychanalyste. Au point de se demander parfois si elles seraient capables de développer autant d’énergie pour le second enfant. La fatigue éprouvée à la venue du premier ou encore le stress provoqué par une grossesse inattendue peuvent déclencher des angoisses, qui s’accentuent lorsque le second enfant n’a pas eu le temps d’être désiré et que le premier n’a pas bénéficié d’assez d’attention maternelle. »
LA CRAINTE D’EXCLURE L’AÎNÉ
Certaines femmes craignent que le premier enfant se sente exclu du cocon familial s’il a un petit frère ou une petite sœur. Elles souhaitent le préserver des peines et des souffrances qu’il pourrait connaître. Fondées ou non, ces craintes sont bien réelles et représentent davantage que de simples interrogations : elles se transforment parfois en véritable obsession. C’est le cas de Sabrina, 32 ans. « Je suis maman d’une petite fille de 18 mois. Fille unique moi-même, j’ai toujours été choyée, gâtée. L’arrivée de mon premier enfant m’a rendue très heureuse. Je me disais que cette grossesse, survenue trois mois après le mariage, était la suite logique donc je n’ai pas eu de crainte à me lancer dans cette aventure. Mon mari veut voir la famille s’agrandir, il souhaite que notre petite puce ait quelqu’un avec qui s’amuser et partager ses secrets quand elle sera plus grande. De mon côté, j’hésite encore. J’aime tellement ma !lle que j’ai peur de lui fendre le cœur en ne lui accordant pas toute mon attention lorsque l’autre enfant viendra au monde. Je ne veux pas qu’elle se sente rejetée ou qu’elle éprouve une quelconque jalousie. Je souhaite lui épargner l’épreuve de devoir partager sa maman. Tout cela est peut-être dû au fait que je sois moi même fille unique. Rien que le fait d’envisager un second enfant me rend malheureuse, j’angoisse énormément », explique la jeune femme. Notre propre éducation et la place que l’on avait au sein de notre famille jouent un rôle important dans l’appréhension d’une seconde grossesse. « Chaque histoire de vie d’une maman est différente, ajoute la psychologue. Qu’elle soit l’aînée, la cadette, la benjamine, qu’elle soit issue d’une fratrie ou non, tous ces facteurs ont une incidence sur l’arrivée du deuxième enfant. »
LA CRAINTE DE NE PAS L’AIMER AUTANT
« Avec l’arrivée d’un premier enfant, la découverte, l’attachement et l’attention vont en grandissant. De là peuvent naître des interrogations liées à la possibilité d’aimer le second », explique Douchika Vrsajkov. Avant de vivre sa seconde expérience de maman, Rahima, 30 ans, se sentait incapable d’avoir autant de sentiments que pour son aîné. « J’ai deux garçons, un de trois ans et demi et l’autre d’un an. Je suis passée par cette crainte, celle de ne pas aimer assez, de ne pas porter le même regard, avoir la même émotion… Finalement, lorsque le dernier est arrivé, lorsque j’ai posé mon regard sur lui et que nous nous sommes rencontrés, c’était merveilleux ! La même magie que pour le premier, à la différence que cette fois la famille prend une autre dimension et que les liens sont encore plus forts, selon moi. Mes deux enfants sont tellement différents, mais l’amour que je leur porte est identique. C’est ça, la force de l’amour d’une mère. En tout cas, c’est ce que j’ai vécu personnellement. J’aimerais dire à ces femmes que cette angoisse se dissipe très rapidement à l’arrivée du second bébé. Il faut qu’elles se fassent confiance », ajoute Rahima. Dès lors qu’une femme devient maman, elle acquiert ce fameux instinct maternel dont elle entend parler depuis si longtemps. Cependant, elle découvre aussi d’autres facettes de la maternité, parfois moins amusantes. Mais un an plus tard, tout a changé. La reprise du travail, ce bébé qui devient une petite fille, la découverte de la marche et du langage m’ont fait prendre conscience des difficultés de l’éducation. Être parent n’est pas un jeu, c’est une lourde responsabilité. Elle a deux ans et mon mari et mon entourage me poussent à retomber enceinte. Pour être honnête, je ne le souhaite pas maintenant. Le mot « responsabilité » sous toutes ses formes me fait peur : crainte de ne pas être à la hauteur, de ne pas savoir m’occuper de cet enfant, de ne pas l’aimer autant… La venue d’un bébé chamboule votre vie et quand on en a deux, j’imagine que c’est encore pire. Plus de temps pour soi, plus le temps de dormir, plus le droit de sortir à deux, plus d’escapades en amoureux… Faire un deuxième enfant doit être un acte réfléchi, même si c’est un cadeau de Dieu. Je ne suis pas prête à faire face à autant de contraintes, même si ce bébé apportera l’amour et la joie », ajoute la jeune femme. Pour des raisons personnelles, chaque femme éprouve donc des appréhensions diverses. Ces craintes traduisent sans doute leur volonté de bien faire, d’être des mamans irréprochables. Même si, on le sait bien, nul n’est parfait…
QUESTION À DOUCHIKA VRSAJKOV, PSYCHOLOGUE PSYCHANALYSTE
Quels conseils donneriez-vous aux lectrices de Gazelle pour venir à bout de leurs craintes ?
Même si les parents ne l’avouent pas, ils aiment différemment chaque enfant, parce que chacun est unique. Nous n’avons pas la capacité d’aimer nos enfants de la même manière, à cause de nombreux facteurs liés à leur comportement, à leur état de santé. Il faut aussi considérer les relations que l’enfant peut avoir avec son entourage, ses frères et sœurs, ses grands-parents, ses oncles et tantes… En tant que mère, nous sommes aussi la compagne de notre mari, la fille de nos parents, l’amie de nos amis ; nous avons déjà construit d’autres relations. Il ne faut donc pas considérer que les liens tissés avec les enfants sont uniques au sens de “seuls”, mais qu’il s’agit d’une relation parmi toutes les autres déjà acquises. Avec le second enfant, d’autres liens vont s’établir, créant une fratrie. Le proverbe africain “Il faut tout un village pour élever un enfant” illustre bien l’idée d’ouvrir notre enfant à devenir un citoyen, un homme ou une femme de ce monde. Chaque mère qui connaît ces angoisses doit en parler, pas forcément à un psychologue, mais à des femmes qui ont vécu ces expériences-là, par exemple. En parler permet aussi de se rendre compte que ces angoisses font partie de notre histoire.