Si la dépression et ses maux affectent en premier lieu celui qui en souffre, ces manifestations ne laissent pas de répit non plus à celui qui partage la vie du malade. Une situation qui met le couple a rude épreuve et qui le fragilise forcément.
Lire aussi : J’ai été victime d’un pervers narcissique
Une atmosphère pesante
« Il y a une dizaine d’années, mon mari a eu un grave accident au travail, qui l’a pas mal traumatisé. À cause de cet accident, il n’a pas pu reprendre le travail et ça, ça a été le début de l’enfer pour nous », raconte Samia. À 47 ans, cette maman de deux enfants a traversé une épreuve à laquelle elle ne s’attendait absolument pas et qui a chamboulé sa vie. Il a fallu qu’elle remette en question le mode de vie qu’elle a toujours eu, et qu’elle trouve la force de rebondir malgré la difficulté de l’épreuve. « Mon mari a toujours été le pilier du couple, c’est lui qui gérait les situations compliquées, les galères, c’est aussi lui qui ramenait l’argent. Moi, j’ai toujours été un peu dépendante de lui mais quand il a eu son accident, tout a changé. Il restait au lit parfois toute la journée, il gardait les volets fermés, et il y a des moments où il ne m’adressait pas la parole de la journée. Au début, je me suis dit que c’était le choc et que ça allait lui passer mais ça a duré. C’était très compliqué de gérer cela parce qu’on ne pouvait pas prévoir ses humeurs. Il pouvait être très triste et dans les cinq minutes qui suivent s’énerver pour une chaussette qui traîne ou un repas trop chaud. » Une atmosphère si lourde qu’elle impacte forcément les autres membres de la famille. Entre compassion, incompréhension et colère, difficile pour Samia et ses deux enfants de comprendre les réactions de cet homme qu’ils ne reconnaissaient plus. Alors qu’il avait toujours été une épaule sur laquelle tous pouvaient compter, il leur paraissait désormais faible, ingrat, résigné et paresseux. « Je ne reconnaissais plus mon mari et le pire, c’est que je ne pouvais pas lui en parler parce que chaque fois que je le faisais, il s’énervait et criait que personne ne le comprenait et qu’au lieu de le soutenir, je l’enfonçais encore plus en ne pensant qu’à moi. En fait, je n’avais pas d’issue, je devais me taire et accepter la situation. » Sauf que, face à cette morosité ambiante, l’entourage peut rapidement être affecté à son tour et parfois même sombrer, sans forcément s’en rendre compte, vers des émotions négatives, voire la dépression.
Lire aussi : 3 Comptes good vibes pour entretenir sa positivité
La peur de sombrer à son tour
D’ailleurs, Samia le reconnaît sans détour, la situation de son mari l’affecte beaucoup et lui fait parfois perdre le moral à elle aussi. Pendant des mois, elle s’est remise en question et s’en est voulu de ne pas pouvoir l’aider à s’en sortir. Cette culpabilité et le poids de ces nouvelles responsabilités ont même perturbé son équilibre, au point qu’elle a doucement sombré à son tour vers une tristesse injustifiée. « Dans ma tête, je me disais qu’il y avait forcément quelque chose que je faisais mal. Je suis sa femme, je devais pouvoir l’aider mais, quoi que je faisais, c’était toujours mal. Je me suis mis une énorme pression. J’avais l’impression de ne pas être à la hauteur et, avec le temps, j’ai complètement perdu espoir. J’ai commencé à craquer moi aussi, à me renfermer sur moi-même, j’étais triste tout le temps. » Un peu à la manière d’une maladie contagieuse, la dépression s’est doucement installée dans leur foyer jusqu’à en devenir oppressante pour leurs enfants. Pris en otages de la situation, ses fils n’ont pas compris et ont à leur tour culpabilisé en se sentant responsables. C’est comme ça que Samia a eu un déclic et a compris qu’il fallait qu’elle se sorte de cette situation, non seulement pour son propre bien-être mais surtout pour celui de ses enfants. « Un soir, mon petit dernier, qui avait sept ans à l’époque, vient me faire un gros câlin, je le serre contre moi et là il se met à pleurer. Il me dit qu’il ne veut pas que je sois malheureuse et il me promet de ne plus faire de bêtise et me demande pardon de m’avoir rendue aussi triste. Ça a été un électrochoc pour moi, je m’en suis tellement voulu que j’ai dû faire un effort pour retenir mes larmes. Je me suis rendu compte à ce moment-là de l’impact que ça pouvait avoir sur mes enfants. J’ai repris les choses en main et j’ai recommencé petit à petit ma vie. »
Un équilibre à trouver
Dans cette reconstruction personnelle, Samia a quelques fois eu l’impression que son mari était devenu un frein pour elle et elle s’est posé des questions sur l’avenir de leur relation. « J’ai plusieurs fois pensé à le quitter et partir pour me sauver et pour éviter à mes enfants de vivre dans un environnement aussi négatif mais je n’ai jamais sauté le pas. Je l’aime et je n’ai pas envie de l’abandonner et puis c’est le père de mes enfants. J’ai donc pris le “risque” de rester mais j’ai changé ma manière de me comporter avec lui et aussi avec moi-même. » Presque comme un instinct de survie, Samia a dû trouver un juste milieu qui lui permettrait à la fois de soutenir son mari et de vivre sa propre vie. Pas facile quand on a passé sa vie à vivre un peu en retrait et à compter totalement sur quelqu’un. Pourtant, Samia a su trouver la force de faire face à la situation. Elle-même ne se serait jamais pensée capable de tout gérer et pourtant elle l’a fait. « Au bout de quelques mois de dépression, on a été submergés par les papiers. Moi, je ne connaissais pas tout ça, les factures à payer, les impôts à déclarer, la gestion du budget… tout était nouveau. J’ai demandé à mon aîné de m’aider et on s’y est mis. Financièrement, ça n’allait pas puisque les aides ne suffisaient pas, donc j’ai cherché un travail et j’ai trouvé des petits jobs de femme de ménage. Je vis des journées à mille à l’heure entre mon travail, les courses et les papiers. Je m’occupe aussi de la maison et je gère les devoirs de mes enfants. C’est épuisant mais ça me fait du bien de sortir, voir du monde et oublier la tristesse qui m’attend à la maison à la fin de la journée. J’ai aussi changé ma manière d’être avec mon mari, je lui mets moins la pression, je lui fais moins de reproches et je crois que ça l’aide finalement. » Depuis ses séances chez le psychologue, Samia trouve que son mari va mieux. Et si elle ne cesse de répéter à quel point cette épreuve est difficile à vivre, elle préfère n’en retenir que le positif. « Je suis devenue indépendante, j’ai un travail et des amis, je suis fière de ce que j’ai réussi et je veux que ça serve d’exemple à mes enfants, ça leur prouve qu’on peut tout réussir, il suffit de le vouloir et de s’en donner les moyens. Même des pires situations, on peut faire sortir quelque chose de bien. »
Lire aussi : 3 Applications pour épargner plus