Gazelle donne la parole à Saliha 54 ans atteinte d’un cancer du col de l’utérus. Elle en est à sa troisième récidive. Elle souhaite sensibiliser les femmes de tous âges à ce problème de santé majeur et veut les inciter à réaliser des frottis afin de prévenir le cancer du col de l’utérus et tous les cancers gynécologiques. En effet, elle trouve que la prévention du cancer chez la femme n’est pas suffisante, à l’heure actuelle, en France.
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Pour moi, le manque d’informations est flagrante. Il n’y a pas de campagnes de sensibilisations mis à part sur quelques réseaux sociaux réalisés par des associations ou des personnes qui ont été touchées par cette maladie. Certaines femmes n’ont pas effectué de frottis depuis 5, 10 voir 20 ans. J’ai dans mon entourage une femme qui n’avait pas fait de frottis depuis son dernier accouchement qui remonte à 36 ans. Vous vous rendez compte, par chance elle n’a rien ! Certaines jeunes filles ont des partenaires multiples et ne voient pas de gynécologues, par manque d’éducation sexuelle, d’informations. Elles peuvent se retrouver avec des maladies sexuellement transmissibles et graves si elles ne sont pas suivies. Il y a celles qui vivent dans des familles où ce sujet est tabou et donc la maman n’en parle pas où elle-même n’est pas informée. Celles qui n’ont pas les moyens de se faire suivre par un gynécologue et ne savent pas qu’un médecin généraliste peut consulter et faire le frottis. Les plus âgées disent : « moi je ne me fais pas suivre et je n’ai rien ». Selon santé publique France, le cancer du col de l’utérus a touché 2920 nouvelles femmes en 2018. Et près de 1100 en sont décédées. Le cancer du col de l’utérus représente la 12ᵉ cause de mortalité par cancer chez la femme. Le frottis permet de détecter la présence de cellules anormales, bien avant qu’elles n’évoluent en cancer. On recommande de réaliser un frottis à partir de l’âge de 25 ans et jusqu’à 65 ans, un frottis par an les deux premières années, puis un frottis tous les trois ans si les premiers sont normaux.
Je me souviendrai toujours des premiers signes de la maladie
J’avais 49 ans, veuve et 2 enfants adultes. Je n’avais pas de compagnon, j’étais seule depuis très longtemps. J’étais fatiguée après le travail, je rentrais à 16 h et bien souvent je m’endormais pendant 1 h environ. A cette époque, j’étais en préménopause, je ne savais même pas que ça existait. Pour moi on passait directement à la ménopause avec des règles abondantes, bouffées de chaleur, troubles de l’humeur, du sommeil. Un jour après mes menstrues, j’ai eu un écoulement clair, je me suis dit : « c’est bizarre », mais j’ai mis ça sur le compte de la préménopause. Puis le lendemain pareil et le surlendemain à tel point que j’ai dû mettre des protections périodiques. Ma fille avait rendez-vous chez le médecin et je lui ai demandé de me prendre rendez-vous avec le gynécologue en urgence. Elle revient avec un rendez-vous trop éloigné de plus de 15 jours. Mon instinct me disait non ne reste pas comme ça. Ce n’est pas normal et cela faisait plus de 3 ans que je n’avais pas vu ma gynécologue. Donc j’appelle et j’insiste auprès de la secrétaire à qui je raconte ce qu’il m’arrive. Par chance, elle me répond qu’il y a un rendez-vous le lendemain matin qui vient de se désister. Je le prends et me rends le lendemain chez le gynécologue. Je lui explique ce qu’il m’arrive, elle m’ausculte et ne perçoit rien. Elle fait un toucher et toujours rien.
Tout à coup, mon col se met à saigner beaucoup
Elle refait un examen avec le spéculum et un toucher et je vois son visage changer. Elle me demande de me rhabiller et me dit je vais vous prendre un rendez-vous en urgence à l’hôpital pour une biopsie. Je lui demande terrifiée, qu’est-ce qu’il se passe, ai-je un cancer ou autre ? Elle me répond : « j’ai senti une masse de la grosseur d’une grosse clémentine à l’extérieur du col de l’utérus et que c’est pour cela qu’elle a failli passer à côté au début ». Elle m’a dit de ne pas à m’inquiéter que ça se soigne bien et qu’on ne sait pas encore si c’est un cancer. Elle m’a aussi indiqué qu’une de ses patientes a eu la même chose et qu’elle est guérie. Le rendez-vous est pris à l’hôpital 10 jours après. Je rentre chez moi terrifiée et je ne veux pas en parler à mes enfants tant que je n’ai pas tous les éléments et examens. Ils n’ont que moi, car leur papa est décédé quelques années avant. Je dois donc les préserver. J’appelle à l’époque une amie qui me dit de ne pas paniquer et essaie de me rassurer. Le jour J arrive, je fais ma biopsie qui est envoyé au laboratoire, 10 jours après j’ai les résultats en présence d’une de mes grandes sœurs. Je n’étais même pas assise que le cancérologue me dit : « bon, c’est un cancer du col de l’utérus ». Le ciel m’est tombé sur la tête. Quoi, comment, pourquoi moi ? Et mes enfants ? Je vais mourir ? Le médecin parle, mais je n’écoute pas ou à peine. Heureusement, ma sœur est là et me rassure. On sort du cabinet avec d’autres examens à faire, pet scan, scanner, prise de sang et un prochain rendez-vous pour prévoir l’intervention chirurgicale. Puis je dis à ma sœur : « le cancérologue n’a même pas pris de gants pour me l’annoncer et n’a même pas attendu que je sois assise, où est l’empathie, le côté humain quoi ? » Elle l’a appelé et lui a fait les reproches et il lui a répondu, c’est comme sa madame il faut aller droit au but, du coup j’ai décidé après les conseils de mon meilleur ami à qui c’était arrivé à sa maman quelques mois avant pour elle cancer de l’endomètre, de changer d’hôpital et de me faire suivre à paris à l’hôpital tenon dans le 20e arrondissement par l’équipe du professeur Ballester et je n’ai pas regretté mon choix et mon oncologue docteur Chaland jamais trouvé un médecin aussi humain et impliqué.
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J’ai refait tous les examens en mai 2016. Verdict cancer du col de l’utérus stade 2b
L’intervention chirurgicale était prévue en juin de cette année-là pour le retrait des ganglions aortiques et à l’Aisne. Puis venait le temps de la chimiothérapie, radiothérapie concomitante début juillet et pour finir en août la curiethérapie. J’ai annoncé cela à mes enfants. Ils ont bien sûr eu peur, pleuré, mais je les ai rassurés. Le professeur qui me suivait aussi. Ensuite ma famille a été très présente nous sommes 10 enfants. Mon papa était décédé 2 ans avant. Il restait à informer maman, mais je ne savais pas comment lui dire. Finalement, avec ma petite sœur, nous lui avons dit que j’avais un kyste à l’ovaire pour l’épargner. Mais après l’intervention et ma perte de poids, puis mon teint jaune, elle me répétait sans cesse : « j’ai compris, c’est un cancer, vous me le cachez ? » une maman sent tout on ne peut rien lui cacher. Et plus tard quand j’ai commencé la chimiothérapie elle a compris et je lui ai dit la vérité. La chimiothérapie cisplatine ne cause pas de perte de cheveux bizarrement, c’est ça qui m’embêtait le plus. Par contre, les nausées, vomissements et fatigue, c’était horrible. J’en ai eu pour tout le mois de juillet 2016. J’avais 4 séances de chimiothérapie tous les lundis et le reste de la semaine, tous les jours de la radiothérapie. Le 29 juillet était le dernier jour du protocole.
Je rassurais maman, paix à son âme, qui n’était pas très bien depuis quelques jours
Elle venait avec moi à l’hôpital, à mes rendez-vous ou dormir avec moi chez ma sœur, car mes enfants travaillaient. Il fallait que quelqu’un veille sur moi la journée. Maman était fatiguée, elle avait 83 ans, c’était la seule chez qui je pouvais rester pendant mon traitement. Ma sœur venait de perdre son mari en juin 2016, d’un cancer des poumons, donc de la compagnie lui faisait du bien et mes neveux et nièces aussi. Donc maman me répétait chaque jour : « n’ai pas peur du cancer, il faut le combattre, danse, chante, ris et tu gagneras la bataille ». Je lui répétais tous les jours : « maman le 29 juillet, j’ai terminé mon traitement et j’ai gagné la bataille. J’ai souffert, mais je suis debout et elle était contente. Mais je la voyais triste et angoissée. Je lui demandais pourquoi et elle-même me disait : « je ne sais pas ». Elle dormait peu, avait des crises d’angoisses alors qu’elle était entourée par nous tous. Puis dans la nuit du 28 au 29 juillet 2016, maman avait dormi chez elle avec une autre sœur et cette dernière appelle vers 4 h du matin pour dire que maman a fait un malaise et que les secours arrivent. Ma sœur court partout et me dit : « toi tu restes allongée et moi je pars en urgence ». Puis 5 mn après mon téléphone sonne et c’est ma petite sœur qui me dit : venez tous maman va très mal. Je raccroche, réveille mes neveux, nièces et mon fils et on fonce chez mes parents. Et la scène est gravée dans ma mémoire ma famille était là chacun pleurait dans son coin. J’ai aperçu maman, ma vie, au sol branchée avec les secours autour.
Je me suis jetée par terre, sur elle et je criais, pleurais, maman ne me quitte pas j’ai besoin de toi tu ne peux pas me laisser, tu dois te battre
Puis le médecin m’a dit elle ne vous entend plus, nous l’avons plongé dans le coma. Ils l’ont transporté à l’hôpital et dans l’ambulance, elle a fait plusieurs arrêts cardiaques. Mes sœurs avaient suivi l’ambulance. En arrivant, les médecins leur ont dit qu’il n’y avait plus rien à faire qu’elle ne passerait pas la journée, car son cœur a été trop sollicité. Elles nous ont donc prévenus et nous sommes restés tous et toutes à son chevet, sauf moi qui ai dû partir en fin de matinée forcée malgré moi à ma dernière séance de radiothérapie. J’ai murmuré à l’oreille de ma maman : « ne me quitte pas, je t’aime et je reviens ». J’étais à peine partie depuis 10 min en taxi à l’hôpital Tenon que le téléphone de ma sœur qui m’accompagnait sonne. A son visage et à ce que je venais de ressentir dans le dos, comme si quelqu’un me poussait pour me dire avance, va de l’avant. J’ai compris que maman nous avait quittés. Et je me suis mise à hurler, pleurer. Même pendant ma séance, tous étaient tristes et ont été très gentils avec moi. Lorsque je suis retournée à l’hôpital où venait de décéder maman, c’était le jour le plus triste. C’était horrible avec le décès de papa et de mon mari. Mais le décès d’une maman, il n’y a pas pire. La perdre dans de telles circonstances et à ce moment-là, un mois après mon beau-frère. J’étais anéantie, mais je me rappelais ses mots (danse, chante, ris) et je me suis dit : » il faut continuer à se battre pour mes enfants, pour maman et ma famille ». Donc j’ai été forte, j’ai gagné le combat, puis en septembre 2017, saignements vaginaux, suspicion de récidive donc en octobre 2017, retour à l’hôpital pour subir une hystérectomie totale. J’ai quand même subi 4 interventions, car l’urètre s’est sectionné pendant l’intervention chirurgicale et oui, car à cause de la radiothérapie les organes sont plus fragiles. On m’a quand même mis une sonde JJ pour uriner et je l’ai gardé 1 mois, c’était horrible. J’ai eu une infection urinaire, des picotements… Et au bout d’un mois retour au bloc pour réparer l’urètre que le chirurgien avait sectionné en son milieu. Du jour au lendemain, je n’avais plus de sonde et de poche pour les urines. Vous savez toutes ces épreuves m’ont rendu plus forte, positive, terre à terre. Je crois en Dieu et je fais des invocations, cela m’aide beaucoup. Mes deux enfants et ma famille entière ont été magnifiques. Mais malgré les contrôles, 5 ans après, en avril 2021, après avoir constaté que ma jambe droite avait gonflé pendant 2 jours, je faisais une récidive. Mon médecin généraliste me rassurait en me disant ce n’est rien, c’est lymphatique. Idem aux urgences, à la clinique et à l’eco-Doppler.
Mon instinct m’a à nouveau dit : « non, n’attends pas avance ton rendez-vous annuel avec l’oncologue ».
Par chance, j’ai eu un rendez-vous 15 jours après. Le scanner et la prise de sang montre une masse dans le ventre, puis le taux de scc à grimper c’était anormal. Après tous les examens, le verdict tombe : récidive du cancer en rapport avec le col de l’utérus, cette fois-ci dans le fond du ventre au péritoine. Si j’avais attendu, les métastases risquaient de se faufiler aux autres organes. Donc rebelote, même spirale avec chimiothérapie. Cette fois-ci, mes cheveux sont tombés. Il fallait l’annoncer à mes enfants et ma famille. Très difficile pour ma fille qui sortait d’une épreuve difficile et de la covid. Mon fils lui ne m’a rien montré, mais m’a dit : « j’ai confiance en Dieu. Tu es si forte maman, tu es un exemple pour nous ». J’ai commencé la chimiothérapie ce 22 juillet 2021, toutes les 3 semaines. J’ai été choisie avec mon accord pour participer à un essai clinique. En tout, j’ai six séances et elles durent toute la journée, 3 h pour la chimiothérapie et 3 h pour l’essai clinique. C’est fatiguant, mais c’est une fois toutes les 3 semaines et puis si ça aide à repousser le cancer, je ne me plains pas. Par contre, après les 2 séances, pendant 6 jours qui suivent, je suis nauséeuse, fatiguée et je vomis, comme une femme enceinte. Après cette période, je vais beaucoup mieux, je mange bien et me rattrape. Je croque la vie à pleines dents. Et j’espère m’en sortir, non je vais m’en sortir ! Cela m’a complètement changé. Profitez de chaque instant en famille, de vos parents et vos proches. Vivez, voyagez, sortez et arrêtez de vous plaindre pour rien. Tous les jours en se réveillant en bonne santé dites merci, soyez gratifiant et reconnaissant. Voilà mon histoire. Les mots de ma maman résonnent toujours dans ma tête. Paix à son âme et à tous ceux qui nous ont quitté : papa, Rachid mon mari et mon beau-frère décédé lui aussi d’un cancer, ainsi qu’à tous nos défunts.
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