Aujourd’hui, nombreuses sont celles qui, après 40 ans, renoncent à être mère. Des gazelles expliquent les raisons de ce « non désir » totalement assumé.
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Nawel, 45 ans, « Avoir un enfant, c’est renoncer à sa liberté »
Les No kids D’après une étude publiée par l’INSEE,
il y a deux ans, sur 799 000 bébés nés en 2015, 5 % ont une mère quadragénaire, du jamais vu depuis 1946 ! Ce chiffre est, depuis, en constante évolution. La généralisation des moyens de contraception, l’allongement des études et la place croissante des femmes sur le marché du travail poussent également les femmes à faire des enfants de plus en plus tard. Mais, au-delà des changements sociétaux, il y a ceux de l’horloge biologique qui décident pour elles, car il est difficile de passer outre ce phénomène biologique naturel. Tous les médecins vous le diront, il y a plus de chance de tomber enceinte à 30 ans qu’à 40 ans, et les femmes concernées par cette problématique sont de plus en plus nombreuses. Nos femmes témoins, quadras et cinquantenaires actives, sont conscientes de la difficulté de la tâche d’avoir un enfant après 40 ans, comme nous l’affirme Wafa, 41 ans, célibataire :« À mon âge, je ne me vois pas pouponner, je n’ai plus l’énergie d’antan. » C’est aussi le cas de Karima, 43 ans, en couple :« Je ne me vois plus être maman à mon âge, c’est beaucoup trop tard de toute façon. » L’âge est donc l’une des premières raisons qui poussent ces femmes à se rendre à l’évidence et qui décident de faire une croix définitive sur la maternité. Mais, comment ces femmes vivent-elles cette décision à contre-courant dans une société féconde ?
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Même si elles se disent toutes épanouies malgré tout, ce choix de vie est encore considéré par notre société comme une anomalie et un échec. C’est ce que nous affirme Habiba, sans emploi, 46 ans : « Les gens trouvent ça louche et pensent que nous avons systématiquement un problème. » C’est aussi l’avis de Naila, 42 ans, caissière, qui elle aussi a subi des réflexions désagréables et souvent très déplacées : « Ce n’est pas parce que je ne suis pas mère que je ne suis pas quelqu’un de bien. Les gens imaginent que c’est notre faute. » Toutes ont été au moins une fois jugées et montrées du doigt et affirment avoir « souffert » et avoir été « blessées » par des remarques cruelles et acides, vis-à-vis de leur situation de femmes sans enfants. Le jugement est parfois encore plus cruel de la part de la famille et de l’entourage, comme nous le raconte Souad, 48 ans, secrétaire : « Je suis la seule de mes sœurs à ne pas avoir et ne pas vouloir un enfant. Mon cas est dix fois plus difficile à assumer dans ce contexte où les enfants sont désirés et nombreux », et ajoute « Certains membres de ma famille pensent même qu’aucun homme n’a voulu me faire un enfant, c’est la double peine. » Comme si une rencontre avec un homme pouvait changer quelque chose ou qu’aucun homme ne voulait d’elles en tant que mère, parce qu’elles sont « chiantes, insupportables ou difficiles à vivre… » C’est ce qui agace Linda, 40 ans, vendeuse : « Je refuse ce diktat de faire un enfant pour faire un enfant, pour faire plaisir aux autres ou rentrer dans le moule. » Elle n’est pas la seule ; Habiba, 42 ans, chargée de clientèle, subit elle aussi les réflexions de sa mère et de son entourage qui ne comprend pas pourquoi elle n’a pas encore d’enfants à son âge : « Je veux que mon entourage admette qu’il est possible de devenir une femme sans être une mère. » C’est aussi le cas de Nawel, 45 ans, journaliste : « Avoir un enfant, c’est renoncer à sa liberté, j’assume ce choix et ses conséquences et je me fous des qu’en-dira-ton. » Les raisons qui les ont menées à cette situation sont donc spécifiques au parcours de vie de chacune d’entre elles, car elles ne sont pas arrivées à ce choix par hasard.
Une décision que le destin impose Cette décision que les femmes peuvent vivre comme un choix peut aussi avoir été imposée par un destin chahuté. Besoin de liberté, situation conjugale complexe, carrière au sommet, climat sociétal difficile et peu rassurant. Ces femmes ont besoin, avant tout, de se battre avec les aléas de la vie qui ont été des obstacles concrets et qui ont contrarié leurs envies de future maman. Comme nous l’explique Nawel, 42 ans, avocate : « Je voulais absolument réussir professionnellement et la maternité aurait été un obstacle à mon épanouissement professionnel. » Tout comme Katia, 45 ans, biologiste, qui a elle aussi privilégié son travail à sa vie de future mère : « Mon indépendance a été le secret de ma réussite. Avec un enfant, je n’aurais pas pu mener une carrière comme celle que je mène aujourd’hui. » C’est ce qui est arrivé aussi à Nadia, 44 ans, PDG d’une entreprise de bâtiment : « Je me suis investie corps et âme dans mon entreprise. Devenir maman n’était pas ma priorité. » Les histoires d’amours contrariées ont été aussi des obstacles à la construction d’une famille comme nous l’explique Myriam, 48 ans intérimaire : « J’ai eu un parcours amoureux chaotique, je n’avais pas assez confiance dans les hommes pour devenir mère. » Nahida, 45 ans, hôtesse, a elle aussi vécu des déceptions sentimentales qui ne l’ont pas aidée à devenir mère :« J’ai fré-quenté des hommes irresponsables, je ne me sentais pas en sécurité pour faire un enfant. Aujourd’hui, à mon âge, il est trop tard. » C’est donc une réalité, la plupart des femmes que nous avons interrogées disent toutes que :« L’ambition professionnelle a pris le pas sur l’envie de devenir maman » et que tout est une question de destin, de mektoub…
Cesser de culpabiliser ! Nos femmes témoins, qui assument la dé-cision définitive de ne pas devenir mère un jour, avouent malgré tout qu’elles sont conscientes de « passer à côté de quelque chose d’important », mais ne veulent pas non plus vivre avec ce fardeau toute leur vie. Même si certaines se lancent dans l’aventure de la maternité tardive, elles sont nombreuses à ne pas céder aux tentations de la dernière chance que leur impose leur horloge biologique. La vie pour elles ne s’arrête donc pas à la maternité. Cette vie libre et désengagée de toute contrainte, peut aussi être une chance pour s’épanouir et vivre la vie qu’elles ont toujours rêvée. Il est donc possible d’envisager d’être heureux sans remplir les conditions « fécondes » d’une société bien-pensante. Il faudra en revanche, pour celles qui en souffrent, entreprendre un travail de deuil et de revalorisation personnelle. Certaines se font aider par des professionnels alors que d’autres arrivent à trouver un sens à leur vie à travers d’autres objectifs et d’autres challenges pour une vie pleine, mais différente.
La parole du psy
Le choix de la « non maternité »
Quel regard porte la société sur les femmes qui ne veulent pas devenir mère ? La société réduit souvent le rôle de la femme à celui de procréation et d’élevage, ce qui n’est pas complètement faux, mais sacrément limité. La vraie problématique arrive lorsque l’infertilité se révèle et qu’elle enferme la femme dans une forme d’inutilité angoissante. Une impasse dans laquelle tombent beaucoup de femmes qui se sentent obligées d’avoir des enfants, avant qu’il ne soit trop tard, pour ne pas culpabiliser plus tard. Mais il est important de comprendre que le fait d’être un géniteur ne fait pas de nous un parent.
L’environnement ou le passé éducatif ont-ils des conséquences sur ce choix ? Nous sommes toujours en réaction face à notre environnement et notre éducation. Parfois, nous allons reproduire le schéma à l’identique, et parfois, en réaction, nous allons faire l’exact opposé. La véritable liberté, illustrée ici par la notion de libre arbitre, ne s’acquiert souvent qu’à un âge où la question de la maternité est dépassée. Ce travail de connaissance ou conscience de soi, pourtant indispensable pour être maître de sa vie, demande beaucoup d’investissement et de temps.
Comment se construire face à une société qui valorise la maternité quand l’on y renonce ?
La véritable clé est de se construire une identité à soi, avec ses valeurs et son axe de vie, pour ne pas se laisser influencer par l’environnement. Cela demande souvent d’être accompagné par un tiers qui aura pour vocation à nous aider à construire un « moi » et pas le calque de celui de notre parent. La maternité est bien plus qu’être génitrice, cela relève d’un choix de conscience qui ne doit pas être pris à la légère. Le choix de la « non maternité », qu’il soit médical, spirituel ou intuitif est respectable et doit être respecté. Il ne nous appartient pas de juger.
Comment ne pas céder à la pression ambiante et aux réflexions désobligeantes de l’entourage ?
Pour gérer l’entourage, il est bon de bien s’ancrer dans ses choix en toute conscience, de pouvoir poser les limites avec sa famille et amis, car ce choix ne les concerne en rien. Les lois qui régissent la possibilité de la femme de gérer son corps comme elle le souhaite, soulignées par le décès récent de Simone Veil, nous renvoient à cette problématique. C’est à la femme, et uniquement à elle, que revient la décision finale ; et plus notre société reconnaîtra ce droit, plus la femme en toute liberté pourra se sentir engagée dans sa vie et prendra sa juste place dans notre société.
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